Omerta dans la police par madamedub
Sihem Souid travaille pour une société de transport de fonds depuis des années, dans le secteur de l'aéroport d'Orly. Suite à divers évènements personnels, elle décide de se lancer dans la police, par vocation et mue par une ambition de justice un peu innocente.
Elle embrasse donc un univers professionnel depuis le bas de l'échelle, mais son expérience passée ne sera pas pour autant occultée. Grâce à sa maîtrise de certains logiciels et sa connaissance de l'aéroport d'Orly, elle est rapidement mutée à la PAF, Police aux Frontières, et demeure pendant plusieurs mois la jeune première la plus prometteuse parmi les nouvelles recrues.
Mais ce n'est pas par ce début chronologique et plein d'optimisme que s'ouvre le livre.
Plus réaliste, loin des rêves de justice et de défense de la loi, c'est par le récit de son viol que Sihem Souid ouvre son récit, ou plutôt par le piège dans lequel elle tombe. En réalité, ce qui étonne plus n'est pas tant le viol - qu'il y ait du danger à sortir le soir n'est plus une information qui étonne - , mais la réaction à laquelle se heurte la jeune policière suite à sa plainte. Connue des services pour avoir parlé et dénoncé certains abus aux journalistes, on l'accuse de donner dans le sensationnel et on estime que, après tout, elle n'a qu'à régler tous ses problèmes en faisant appel à la presse....
Ainsi Sihem Souid retrace pour le lecteur les origines de son engagement dans les forces de l'ordre, depuis son succès imprévu et fulgurant jusqu'à sa descente suite au scandale de son témoignage. Elle raconte ainsi comment tout commence lorsqu'elle prend partie pour deux collègues homosexuelles victimes du harcèlement de leurs supérieurs, puis lorsqu'elle découvre comment son traités les immigrés clandestins, appelés "bâtons", le scandale de la politique des quotas, le zèle de certains dans cette « entreprise » et le mépris des autres face aux gens auxquels ils ont à faire.
Avec une écriture simple, scandalisée et à vif, l'auteur nous donne à voir ce qu'il se passe finalement de l'autre côté de l'uniforme.
Une brève recherche sur le net nous apprend ce que chacun pense de ce témoignage - souvent que "c'est partout pareil" et qu'il n'y a rien à dénoncer de plus outrancier ici qu'ailleurs.
Et pourtant. Sihem Souid nous rappelle la distinction qu'il y a entre être un personnage public, un policier, et être un personnage privé. Les opinions du second ne peuvent transparaître chez le premier, c'est bien le sens de l'uniforme que de nous rappeler cette distinction cruciale, entre celui qui parle en son nom propre, et celui qui parle en étant investi des pouvoirs qui sont conférés aux représentants de l'Etat et de la loi.
Il est plus qu'important de respecter cette brèche, à une époque où même les ministres se permettent de faire quelques bonnes blagues de comptoir racistes devant les caméras alors que pourtant ils sont en représentation officielle. Ce que peut dire Brice, le ministre de l'Intérieur doit quant à lui se l'interdire. C'est seulement au prix du respect de cette distance que l'Etat pourra être gouverné par un système politique de valeurs, et non par un agglomérat de personnalités diverses.
Si ce livre a mis son auteur en difficulté, en prise avec l'atteinte au secret professionnel, nous ne pouvons qu'en saluer le courage, et l'importance de ne pas s'asseoir sur certaines valeurs au nom du fameux "c'est partout pareil" qui permet à nos ministres d'y aller de leurs blagues limites et de se payer des vacances aux frais des dictateurs...