Il s’agit du quatorzième livre de l’univers Malazan que je découvre. J’imagine que je peux être considéré comme un véritable passionné, ayant beaucoup de temps à y consacrer, mais j’avais surtout la certitude que j’étais déjà bien familier. Me voici donc surpris : j’avais bel et bien des choses à découvrir !
Des assassins surgissant de l’ombre ? Des conseillers ourdissant des complots ? Des soldats retraités au quotidien perturbé ? Des guerriers farouchement honorables ? Dès le début j’ai été happé par ce quatrième tome « hors-série », peut-être car les seuls ingrédients rassemblaient étaient déjà alléchants avant même de savoir comment la préparation serait. Nous retournons au Darujhistan, une ville remplie de maintes intrigues où jamais la tranquillité n’est de mise. La différence, c’est que pour la première fois, Esslemont explore ces lieux plutôt qu’Erikson.
J’avais déjà exprimé mes réserves sur l’écriture d’Esslemont. Malgré ses points forts, comme le dynamisme de ses scènes d’action, il ne dispose pas à mes yeux du « sel » rendant Malazan proche du chef d’œuvre, telle que l’exploration de thèmes philosophiques ou la capacité de caractériser des personnages par une succession de scènes courtes. Ici, néanmoins, j’ai ressenti une meilleure maîtrise de l’univers et de l’histoire, et je pense qu’il s’agit en conséquence de mon tome favori d’Esslemont.
Un avantage de ce tome 4 est qu’à l’instar du tome 2, nous croisons une pléthore de personnages connus : le vieux Antsy, le couple de soldates Picker et Blend, le conteur Kruppe, la puissante Lady Envy, l’énigmatique Leoman et l’assassin Vorcan pour ne citer qu’eux. Hormis quelques exceptions tels que Kyle, Kiska et Taya, ces deux dernières ayant un rôle important dans ce roman, Esslemont maîtrise moins ses personnages exclusifs, donc la présence de personnages connus aide grandement.
Quitte alors à tomber dans l’énumération, revoir ces têtes familières apporte une dimension supplémentaire à l’histoire. Il est certes vrai que Picker, Blend, Lady Envy et Kruppe évoluent peu au cours du récit, mais Antsy a le droit à un arc narratif inédit et franchement bienvenu. Avec son caractère cynique, son espèce de « renonciation », il part en route vers une aventure classique pour un récit fantasy mais assez novateur pour ce récit, accompagné des intéressants Orchid et Corien, et dont les rebondissements s’avèreront nombreux. Si Scorch et Leff s’apparenteront à un duo comique « à l’américaine » auquel j’ai peu accroché, Jan et Palla tracent une route ouvrant les thématiques sur l’honneur et la guerre teinté de duels particulièrement bien ciselés. Quant à Vorcan et Taya, c’est la première fois que nous voyons mère et fille, famille d’assassins, interagir ensemble, et je dois avouer que c’était « succulent », avec un humour noir que j’ai presque honte d’avoir apprécié.
La force de ce récit est d’apporter un complément sur les horreurs de la guerre et des dégâts d’autant plus colossaux qu’elle commet avec des technologies plus avancées et destructrices. C’est là qu’on s’aperçoit des multiples profondeurs d’un univers fantasy qui continue de nous rappeler notre réalité sans jamais perdre de sa superbe en tant que monde à part.
En somme, un tome que j’ai beaucoup apprécié, et si nous suivons ce chemin, Esslemont continue de s’améliorer !