Le postulat de base de ce premier roman d'Eloi Audoin-Rouzeau avait les ingrédients nécessaires pour me séduire et attiser ma curiosité. Un Paris post-apocalyptique, de nouvelles moeurs, de nouvelles coutumes, la redécouverte de la liberté, autant de thèmes dignes de la science-fiction dystopique et chers à mes attraits. Malheureusement, mon ravissement et mon étonnement s'essoufflent rapidement.
D'abord saisie par l'intrépidité de cette poursuite de tous les dangers, ne tenant que par le ténu fil de la chance, ce périple perd de son sens au fur et à mesure de ses digressions. Car si de prime abord, les étapes qui constituent ce voyage n'ayant pour but que la fuite nous permettent de faire la connaissance de personnages aussi variés que réalistes, et de nous interroger sur notre rapport à la vie, notre attachement à elle et à ses composantes, le fait que ces personnages ne soient que des instruments de passage laisse à désirer. Quelques pages leur sont accordées, puis il s'envole, au même titre que ce cher canard. La richesse de leur apport reste donc mince et superficielle.
Enfin, le protagoniste et narrateur, auquel sont dédiés les premiers et derniers chapitres, s'éclipse lui aussi pour ressurgir à la toute fin du roman et devenir l'issue de secours inespérée du volatile en cavale. Cette introspection personnelle, qui laisse présager une remise en question et qui s'efface pour laisser place à l'évasion, puis refaire subitement surface, témoigne d'une narration décousue dont les différents ressorts peinent à exister et cohabiter.
En somme, les ambitions sont concrètes, l'écriture est fluide et agréable et, il faut l'avouer, les portraits sont dressés avec savoir-faire. Cependant, le récit se trouve fragilisé de nombreuses lacunes, notamment en ce qui concerne la caractérisation et l'emploi des personnages. La mécanique et les rouages se grippent bien trop souvent pour faire de cette course un véritable périple haletant.