« Carlos n'était pas quelqu'un de contrariant. Il était même l'inverse de ça. Doté d'un intellect assez moyen mais d'un vrai sens de l'humour, il était le partenaire idéal pour s'adonner à une séance de glande de qualité. » page 9
Carlos est le meilleur ami de Théo. Une séance de glande consiste à s'asseoir à une terrasse dans le Marais au mois de mai, quand « Paris redevenait enfin un endroit agréable à vivre », pour boire un verre en matant les jolies filles qui viennent de sortir leurs robes légères des cartons.
Lors de la séance de glande qui inaugure ce court roman, Théo voit une fille, la fille. LA fille, si vous n'avez toujours pas compris. « Pas n'importe quelle fille. Une déesse. » page 13
Mais Théo est un vrai connard ; macho, misogyne et obsédé sexuel. Dans la vie, il glande, il sort, il boit, il fume, il se drogue, il deale, il mate, il baise et il ment. « En gros, à force de plus ou moins tirer mon épingle du jeu sans rien foutre, je comprenais de moins en moins ceux qui s'obstinaient à rester dans le circuit, alors qu'ils y échouaient. » page 20
Un vrai connard, je vous dis. Et, à vrai dire, on a la même impression sur l'auteur au début du livre. Un jeune branleur qui a bossé pour la presse branchée (Blast, Clark, Jalouse, L'Optimum, etc.) et qui se prend pour Beigbéder en parlant de cul, d'alcool et de drogue sur un ton désinvolte dans une histoire sans intérêt. Mais...
« Le coup de foudre au café. La meuf qui-te-rembarre-alors-ça-t'intrigue. Les magouilles pour la retrouver. La tentative de baiser. Son mec.
Tout ça était si cliché, si « écrit », si cinématographique, que j'avais du mal à croire que cela m'arrive à moi. » page 47
Mais rapidement on se passionne pour l'amour impossible d'un jeune branleur pour une fille bien, promise au gendre idéal (bien sapé, bien peigné, bien ciré, bien gentil, bien propre sur lui, avec boulot sérieux et intéressant).
Il ne parvient pas à emballer Diane (elle ressent quelque chose, accepte de le voir, de le revoir, mais en aucun cas ne trompera son homme idéal, Max) ? Pas de problème : quand il rencontre par hasard le fameux Max, il fait tout pour le détourner de Diane en le faisant sortir, boire, fumer, danser, flirter... Prêts pour une virée nocturne dans les soirées branchées parisiennes ? Pour les réveils difficiles où on ne se souvient de rien ?
Et je vous assure qu'on ne peut plus lâcher ce livre. La relation qui se noue entre Théo et Max arrive à point nommé. Le style alerte, rapide, cynique nous emporte dans le tourbillon de la vie mouvementée de ces personnages qu'on aimerait détester mais auxquels on finit par s'attacher. Attention, phrases kitshissimes à l'approche : entre amour et amitié, Théo devra faire un choix. À moins qu'il ne fasse tout foirer, une fois de plus, avec ses conneries...
Alors voilà, c'est pas très fin, c'est pas très intelligent, c'est pas de la grande littérature, mais c'est maîtrisé, parfaitement écrit (notre héros est également narrateur : attention, ça décoiffe !) et assez drôle. Parce que tu me plais a le mérite de faire passer un bon moment. Et, vous l'avez compris avec les précédentes critiques de romans adultes de la rentrée, j'en avais grand besoin. Merci donc à Fabien Prade pour ce très court premier roman (très cinématographique : j'avais vraiment l'impression de voir les scènes d'un film dans ma tête) qui se dévore avec un plaisir quasi coupable mais non dissimulé ! J'ai « kiffé » (expression favotite de Théo) !
« Le douzième, c'est un vrai choix de vie. C'est le plus grand arrondissement de la capitale parce qu'il comporte le bois de Vincennes. C'est un endroit curieux. Si on devait le comparer à quelque chose, ce serait à un quartier pas trop mal de Nancy, ou à Limoges. C'est assez propre, très familial, et complètement neutre. Ni populaire, ni bobo, ni bourge, ni rien. Dans le douzième, il n'y a pas d'endroits cool, pas de gens stylés, pas de cailleras, pas d'architecture, pas d'âme, pas d'emmerdes. Il y a juste des gens qui habitent là, c'est tout. » pages 58-59