A dire vrai, je n'ai pas compris comment, en trente ans, Tim Powers avait pu tomber aussi bas. Les voies d'Anubis comportaient certes quelques (gros) défauts, mais l'ensemble du roman se lisait tout de même agréablement. Et on aurait pu penser qu'avec le temps, l'écrivain s'améliorerait et aplanirait ce qu'on aurait pu prendre pour des erreurs de jeunesse. Or, dans Parmi les tombes, on retrouve les défauts des Voies d'Anubis multipliés par cent. Le récit part dans tous les sens, on est accablés de détails et de scènes qu'on ne comprend pas et le tout rend la lecture absolument fastidieuse.
Pourtant, le décor de cette fiction avait de quoi me séduire, puisqu'on y voit évoluer, dans un Londres victorien, la famille de Dante Gabriel Rossetti. Ce n'est pas tous les jours qu'il est question de préraphaélisme dans un roman. Preuve que ce n'est pas un gage de qualité. D'ailleurs, le monde de la peinture préraphaélite n'est que peu évoqué. On se retrouve donc avec un vétérinaire - je dois l'avouer, assez sympathique, c'est d'ailleurs à cause de ce personnage que je n'ai pas lâché l'affaire au bout de 100 pages - et une jeune femme prostituée qui se font attaquer par des créatures étranges, une jeune Cristina Rossetti qui tombe amoureuse de son oncle mort et devenu... Ah, c'est là que le bât blesse. Qu'est justement devenu son oncle ? Un vampire, apparemment. Mais qui s'incarne aussi dans une statuette. Il semblerait qu'il soit aussi une sorte de statue vivante. Et peut-être également un fantôme, ou un esprit, enfin on ne sait pas bien, tout ça est très confus. Vous me direz que le Dracula de Bram Stoker se transforme en plein de choses et qu'on ne sait finalement pas grand-chose de lui. Oui, sauf que le personnage de Dracula et le roman sont passionnants et que Tim Powers ne peut pas prétendre leur faire de l'ombre.
Parce qu'ici, on s'attache essentiellement à des détails censés rendre la narration captivante, mais qui ne fait que charger lourdement le style et rendent le récit incompréhensible. Plutôt que de se centrer sur l'histoire de John Polidori, vampire qui hante Cristina Rossetti, Tim Powers multiplie les scènes de rituels vides de sens : on jette des dés sans s'arrêter, on casse des montres pour en laisser tomber des rouages, on affuble ses semelles de chaussures de morceaux de métal, on porte des fioles d'ail dans ses poches, etc., etc. Le roman fourmille de ce genre d'inepties, longuement décrites. Il décrit aussi énormément les odeurs (ce qui est original), mais sans que ça donne du sens à l'écriture. Et les personnages transpirent énormément (à peu près toutes les cinq pages).
J'ai cru mourir pour arriver à terminer ce livre, jusqu'à ce que des amis de bon conseil m'ordonnent d'aller le rendre à la bibliothèque et de passer à autre chose. Je ne suis donc pas allée jusqu'à la fin, ou, plutôt, j'ai lu la fin en sautant quelques soixante-dix pages (je n’en pouvais vraiment plus). Et je me suis rendu compte que ça n'avait même pas gêné ma compréhension du roman... De toute façon, je n'ai jamais su où Tim Powers voulait en venir. Le sait-il lui-même ? Il est légitime de se poser la question. Bref, j'ai laissé tomber «Parmi les tombes» pour me jeter, avec un réel plaisir, sur Un ciel radieux de Taniguchi. Mais c'est une autre histoire...