A quoi bon ?

Que de bons livres - et pour des thèmes ô combien originaux - Alain Corbin nous a écrits : « Le Miasme et La Jonquille », « Histoire du Silence », « Les Filles de Noce », « Les Cloches de la Terre », « Terra Incognita »(en deçà des autres celui-là) pour ceux que j’ai lus. Mais pour « Paroles de Français anonymes » je cherche encore l’intérêt de ce livre. Que retirer de ces témoignages ? La quatrième de couverture nous dit que cela « fait étrangement écho à nos interrogations contemporaines ». Ah bon ? Alors de loin, sur l’inflation et le chômage peut-être.

Le livre présente les réponses d’un échantillon de personnes ayant vécues les années 30 à des questions sur des évènements de ces années ; c’est donc un témoignage des mentalités des années 30 revisitées 3 décennies plus tard, un point c’est tout. Et c’est peu.

La conclusion du livre est révélatrice de ce peu d’éléments : Alain Corbin s’interroge sur la fidélité du souvenir (le temps qui passe modifie le ressenti de l’époque antérieure) ; il souligne le rôle important des contacts humains dans la transmission des souvenirs, la portée de l’école primaire sur la façon de concevoir les autres pays, la force de la presse écrite pour l’idéologie diffusée. L’auteur fait aussi état de la prégnance et la permanence des stéréotypes.

Mais avait-on besoin de ce livre pour si peu de grain ? Ce recueil en définitive n’a pas de raison d’être. Sa seule utilité (légitimité ?) est de faire revivre aujourd’hui la petite centaine de Limougeauds interrogés d’alors et pour Alain Corbin, lui-même, de se remémorer ses débuts de chercheur. Un livre loin d’être indispensable.