Lire un livre sur un peintre presque sans rien connaître du peintre, mais par déférence envers l’un des co-auteurs du livre : ça, c’est fait. Que voulez-vous, c’est mon côté groupie…
En l’occurrence, mon idole Maurice Pons ne signe qu’une vingtaine des quelque cents vingts pages que compte Patinir ou l’Harmonie du monde, André Barret se chargeant du reste. Ce qui fascine l’auteur des Saisons, c’est « le bleu Patinir ». Ce qui occupe son acolyte, c’est le reste. Il rappelle ainsi que pour Patinir comme pour son époque, « la peinture est harmonies & contrastes ; l’expression abrégée du monde » (p. 46), ou encore que « si Patinir applique au paysage la règle, traditionnelle à son époque, de trois distances – rouge-brun pour les premiers plans, vert pour les distances moyennes, bleu pour les lointains – tout l’ensemble a la même précision, la même netteté » (p. 56).
La principale qualité de l’ouvrage, c’est de parler de Patinir avec simplicité : sans supposer que tous les lecteurs sont historiens de l’art, sans non plus les prendre pour des crétins. Par exemple, les questions d’attribution, récurrentes en peinture dès qu’on s’aventure avant 1600, sont simplement évoquées : peut-être Patinir a-t-il peint tel ou tel tableau, peut-être n’y a-t-il jamais touché, peut-être en a-t-il partagé l’exécution, sous une forme ou sous une autre, avec Bruegel ou Metsys – et on s’arrête là, laissant aux érudits le soin de trancher, dans d’autres publications.
Pour analyser l’art de Patinir, l’auteur tient le juste milieu entre deux conceptions de l’artiste : le Gantois n’est ni tulipe éclose au milieu d’un champ d’orties, ni rose dans une roseraie. Du reste, ni sous-Bosch, ni anti-Bosch. Patinir est simplement, mais sans l’y réduire, le peintre d’un bleu particulier, des falaises à demi fantastiques et des pèlerins d’arrière-plan.
L’auteur s’appuie sur ses connaissances pour partager ses goûts et ses impressions, sans faire passer les unes ou les autres au premier plan : ce sont les tableaux qui occupent la place d’honneur. Pas de cancans sensationnalistes, pas de théorie révolutionnaire sur l’art autour de 1500, pas de polémique pour remuer la boue dans le bocal. Et ça, c’est chouette.


P.S. – Texte en blanc sur fond noir, esperluettes en lieu de et : le livre en tant qu’objet n’est pas laid. Mais il fleure bon son année 1980 : je ne pensais pas qu’un bouquin d’art puisse à ce point prendre un coup de vieux.

Alcofribas
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le 14 févr. 2019

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