Forcé de s’exiler dans un camping de la Côte d’Azur, Dino Scala croit trouver un semblant de calme. Mais les cadavres s’accumulent et son voisin de bungalow, un auteur goncourisé, est décidément bien étrange.


Il est difficile pour certains de quitter leur petite vie tranquille et Dino Scala, résident luxembourgeois, en fait les frais dès le début de Pension complète. Concubin depuis vingt ans d’une riche Luxembourgeoise (pléonasme) de trente-deux ans son aînée, Dino Scala ne travaille pas et profite de la fortune de Lucienne sous le regard malveillant de Macha, sa belle-mère qui, « à presque cent ans, avait préservé toute sa tête et, donc, cette hargne, ce caractère aussi vicieux qu’un ongle incarné ». Mais Dino, sur un coup de tête, au sens propre, est forcé de quitter sa patrie d’adoption et se retrouve échoué en plein été dans un camping du Sud de la France.


L’ennui pourrait gagner. C’est sans compter la découverte de son voisin de bungalow, Charles Desservy, écrivain ayant obtenu le Goncourt dès ses débuts et qui cherche ici la source de son prochain roman : les gens normaux. Mais les tentes Quechua, le soleil qui tape, la musique commerciale sans fin à un volume irrespectueux, la promiscuité irritent au plus haut point Charles. D’un autre côté, les cadavres s’accumulent : un adolescent se noie dans un pédiluve, une Anglaise s’étouffe dans son vomi dans les toilettes du camping…


Pension complète est un polar comme on en lit rarement : c’est moins l’intrigue qui prime que la vision désabusée et cynique de Jacky Schwartzmann. On pense parfois à Houellebecq (au Houellebecq tellement désabusé qu’il en est drôle) ou encore aux films de Blier. A grand renfort de phrases assassines, l’auteur tape sur la bourgeoisie qui boit du champagne, sur les petites gens qui s’offrent des vacances médiocres au camping, sur les auteurs qui ont toujours une opinion un peu trop haute d’eux-mêmes. Pension complète tue tous ceux qui se mettent au travers de notre route pour nous pourrir le quotidien, et c’est cela qui est jouissif.


« J’avais lu une fois, sur Internet, un article prodiguant des conseils aux demandeurs d’emploi. Qu’est-ce que le gigolo que j’étais pouvait bien en avoir à faire, excellente question. Peu importe. Le type égrenait une liste de règles de base si évidents qu’elles ne pouvaient être adressées qu’à des mongols. Comment ne pas savoir qu’il faut enlever sa casquette lors d’un entretien ? Qu’il ne faut pas y aller en survêtement ? Qu’il faut éviter de mâcher un chewing-gum la bouche ouverte ? Si des demandeurs d’emploi ont besoin qu’on leur explique ces évidences, alors ils n’ont aucune chance. Pas la peine d’y aller, les gars, pour vous il y a le RSA. »

JulienCoquet
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le 23 avr. 2021

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Julien Coquet

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