Ce si charmant Moyen-âge...
Du gore au Moyen-âge, sans aller vers la folie meurtrière de quelques psychopathes, il fallait y penser. Dès les premières pages, l’auteur nous rappelle à quel point l’époque se prête bien au genre, et l’exagération est à peine nécessaire. Esprits encore très primaires, conditions de vie déplorables font déjà une partie du travail au regard de notre civilisation très policée. Nous pataugeons dans la saleté. Le décor planté ne met pas à l’aise. Au lieu d’un univers médiéval romantique, nous recevons l’une des pires visions possible ce qui, et c’est le plus intéressant pour la construction de l’histoire, permet de lâcher le fléau de la superstition sur chaque protagoniste.
Si Tancrède Barbet échappe à la paranoïa générale, il n’en est rien de son entourage, nourri d’idées mystiques, complètement ignorant des réalités du monde. Démunis face au grand nettoyage de la peste, les villageois cherchent des coupables, des sacrifices susceptibles d’apaiser le Ciel. C’est aussi le moment de régler de vieilles querelles. D’abord, les juifs y passent, puis tous ceux qui dérangent. Et Barbet, avec ses discours novateurs, trop difficiles à comprendre pour des âmes convaincues de l’existence de la magie, n’est jamais à l’abri d’une exécution arbitraire… surtout lorsqu’un prêtre zélé se mêle de l’affaire.
Côté gore, les descriptions détaillées de la maladie donnent de quoi soulever les cœurs sans la moindre complaisance. Pas de sadisme possible dans les peintures d’excroissances purulentes et d’hommes défigurés. Il est presque heureux que Degüellus ait su modérer ses effets en créant une véritable intrigue, sinon, il n’est pas certain que les plus grands amateurs du genre aient pu aller au bout de 150 pages aussi écœurantes. Mais d’autres choses sont à noter bien sûr, des scènes d’orgie rabelaisienne, et quelques massacres « accidentels » pendant les accès de folie qui saisissent les pauvres habitants.
Victime de la défiance des autres, le docteur Barbet a besoin de trouver le nid infectieux. Le roman est suffisamment bien construit pour nous tenir en haleine, laisser grandir des soupçons, des hypothèses. Qui pourrait bien vouloir la mort d’un village tout entier ? Les révélations semblent plus délirantes les unes que les autres.
En fait, nous ne sommes pas loin d’une invasion zombie à la sauce médiévale et sans réels éléments fantastiques, puisque même l’art médical du héros est incapable de guérir les infectés. Barbet n’apparaît donc pas, comme le véritable sauveur de la situation, nous savons par avance que ce n’est pas avec ses connaissances rudimentaires et ses onguents fantaisistes qu’il parviendra à sauver qui que ce soit. Les malades sont tous condamnés. Ceci n’est pas un spoiler, la rudesse de l’époque le veut.
Pestilence est une lecture rapide, distrayante, dont l’ambiance s’imprègne durablement dans l’esprit. Si le genre vous plaît ou vous intrigue, ça se tente. Si vous êtes par avance certain de ne pas avoir le cœur bien accroché, ce sera un choix risqué mais, à défaut d’aimer les descriptions dégoûtantes vous aurez, au moins, une aventure sur laquelle vous concentrer.