Retour à l'animalité
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le 14 août 2015
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Les quelques 300 pages de Sécheresse passent lentement. Le soleil est omniprésent, brûlant et pesant. Sans pluie, la société humaine s’arrête de tourner, et tout meurt peu à peu, végétaux et êtres vivants. Les rivières se vident pour ne laisser qu’un lit de boue où brillent des arrêtes de poisson et rouillent des cargos enlisés. L’eau croupit çà et là dans quelques cratères. Sur la côte, la mer ne cesse de reculer pour laisser une plage de sel pleine de cadavres. Des visions terribles, sublimées par la plume de l’auteur, ouvrent chaque chapitre. Plus qu’une histoire, Ballard peint des tableaux annoncés par des titres visuels comme « Le cygne mourant », « La terre qui pleure », « Le lion blanc ». Le surréalisme d’un Dali ou d’un Magritte n’est jamais très loin, l’idée du Beau non plus, même si l’horreur est partout.
Sécheresse est l’histoire d’un monde à l’agonie. Les grands buildings deviennent le reflet d’une civilisation passée qui semble déjà lointaine au regard de petits groupes d’hommes clairsemés, désunis, qui survivent tant bien que mal au bord de la mer en retrouvant une sauvagerie primitive. La disparition de l’eau fige le temps et interrompt l’évolution.
Qu'arriverait-il si, du jour au lendemain, tout disparaissait ? Ballard essaye de répondre à cette question, et cela avec d’autant plus de finesse qu’il a connu cette situation car, finalement, Sécheresse est aussi une vision brutale de la fin de l’Empire britannique à Shanghai en 1941. Né parmi les colons, l’auteur a vu, à douze ans, son quotidien basculer dans le Rien après la défaite de Pearl Harbour. Prisonnier des camps japonais, il se souvient, et avec quelle force, des hôtels luxueux abandonnés, des rues traversées de poussière, des cratères d’obus dans les rizières, de la violence qu’engendre la misère, des sociétés organisées sur la plage et, aussi, de l’importance terrible que peut prendre un magazine, quand il est le dernier vestige d’un monde évaporé.
Ransom ne cède pas à la barbarie de ses semblables car il refuse de renoncer à ses souvenirs et, donc, au monde d’avant. Mais, autour de lui, c’est une société toute autre qui se crée, faite de rites nouveaux qui se chargent d’un sens tout particulier. Si vous avez lu Sa majesté des mouches, vous y trouverez un certain écho, à plus grande échelle.
Aventure humaine, Sécheresse ne pose pas la question de la survie à tout prix, à la différence d’autres romans du genre. Les hommes ne s’opposent pas, ils s’adaptent, comme s’il ne s’agissait que d’une situation provisoire avant le retour de la pluie. Seul le lendemain compte, et la question de la disparition totale de l’eau à long terme ne se pose pas, sinon à travers une tension permanente qui rompt les liens sociaux. Les cadavres sont, quand à eux, enfermés dans les voitures rouillées qui, dès lors, deviennent les tombeaux de ce nouveau monde.
Sécheresse fait partie de ces livres qui ne mènent apparemment nulle part et que l’on referme pourtant avec un sentiment des plus étranges, la tête encore chargée d’images terribles, trop précises pour n’être qu’un fantasme. On pense forcément à l’adolescence d’un auteur qui disait vouloir « inventer la réalité », à un monde qui a existé pour disparaître à jamais et à toutes ces anciennes citées recouvertes par le sable…
Finalement, pas besoin de zombies pour créer une atmosphère angoissante, survolée par la mort, où les passions humaines les plus sinistres se déchaînent. Et si, tout simplement, l’occident se transformait en un vaste désert ?
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Créée
le 17 févr. 2013
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