Bien et mal, forts et faibles, confondus dans le tragique d'une vengeance
Roman plutôt court malgré ses 270 pages, Petite Louve est le récit d'une vendetta, débutée sur le continent et poursuivie sur une île connue depuis des siècles pour ses règlements de comptes sanglants, impitoyables et sans fin.
C'est pourtant d'une autre Corse dont nous parle Marie van Moere, chaleureuse, secrète, solidaire. À l'image d'Orsanto, le beau berger cherchant désormais la paix, mais capable de repartir pour sauver ceux qu'il reconnait comme siens. Une terre d'accueil pour les deux fugitives, peut-être source de guérison pour cette gamine dont le corps s'est fermé à tout depuis son viol. Ou de possible rédemption pour cette mère meurtrière, dont on ne connaîtra finalement que peu de choses, à l'exception de cette colère non éteinte et de cette vigilance primitive et dévorante.
Car à la fièvre de supprimer l'homme qui a détruit leurs vies succède immédiatement l'urgence de la fuite et l'angoisse de la traque par des frères sans pitié. Cette femme, dont nous ne saurons que tardivement le nom – Agathe – n'est-elle pas dépassée par la mission qu'elle s'est donnée ? Était-elle vraiment taillée pour chevaucher les orages, celui, métaphorique, de sa propre violence, et l'autre, montagnard et terrifiant, qui fut prétexte à sa rencontre avec Orsanto ?
Comme s'il était plus facile de décrire le mal absolu que la normalité meurtrie, Petite Louve nous en dit finalement beaucoup plus sur Ari et Ivo, les deux poursuivants. Machos bestiaux obéissant aux règles de leur clan, sûrs de leur force et de leur droit à détruire pour venger, ils laissent sur leur passage une trace sanglante. Cette dernière aurait pu être convenue si Marie van Moere n'avait plongé dans les secrets de cette fratrie Volstein dominée – chacune à sa façon – par Sylvia la mère et Dolora la fille, offrant aux deux tueurs une certaine épaisseur humaine à défaut d'une impossible compassion.
Petite Louve conduit avec beaucoup d'efficacité tous ces personnages vers leur destin tragique, même si l'on se surprend à penser que cela va trop vite pour nous laisser un souvenir durable. Le lecteur peut prévoir beaucoup de choses dans le cheminement romanesque emprunté par Marie van Moere, sauf la révélation finale dans la bouche de Dolora, pied de nez dérisoire à ce déchaînement absurde et aveugle de violence