Armée de ses seuls concepts, la philosophie peut-elle saisir ce qu’il y a de charnel, de déraisonnable et d’ineffable dans chaque histoire d’amour ?
Pour Ruwen Ogien, la réponse ne fait aucun doute : le philosophe ne doit pas abdiquer ses droits devant l’émotion, le sentiment, la passion.
Son projet ? Ecrire un De l’amour rigoureux – quoique facétieux.
Et traiter de cet obscur objet comme s’il s’agissait de n’importe quelle autre chose de la vie.
D’où ce livre où, irrespectueux, « l’ami de la sagesse » s’interroge :
L’amour est-il plus important que tout ? Peut-on aimer sans raison ? Ou sur commande ? L’amour se situe-t-il par-delà le bien et le mal ? Et, s’il ne dure pas, est-ce quand même un amour véritable ? A suivre…
Ruwen en a un peu ras la frange de tous ces essais écrits par ses confrères qui font l'éloge de l'Amour (Badiou, Dédé -Sponville, Ferry et consorts).
En bon empêcheur de philosopher en rond, Ruwen prend le contre-pied de ses collègues : et si, comme le chante l'immense et Bretonne Brigitte Fontaine, l'amour c'était du pipeau ?
Ruwen va passer au peigne fin six clichés sur l'amour à l'aide d'outils intellectuels : conceptuels, empiriques et moraux.
L'être aimé est irremplaçable.
L'importance de l'amour dans nos vies.
L'amour est éternel.
L'amour est incontrôlable.
L'amour est irrationnel.
L'amour est immoral.
Car le problème de ces clichés, c'est qu'ils sont souvent utilisés à des fins moralisatrices et ça Ruwen, le libertaire, il n'aime pas beaucoup.
Pour illustrer son propos se sert de Section d'assaut, Barbara, Louis Chédid....et un peu de Schopenhauer et Kant, les "David et Jonathan" de la pensée.
Ruwen démonte méthodiquement et tranquillement toutes les idées reçues : c'est assez jubilatoire...
Citation 1 :
Si les aveugles sont capables d’aimer comme tout nous incite à le penser, une idée platonicienne tombe d’elle-même : c’est le spectacle de la beauté physique masculine qui déclencherait le mouvement d’ascension spirituelle au cours duquel se construit l’amour véritable. Les platoniciens chercheront probablement un compromis qui respecte l’intuition que les aveugles sont capables d’aimer, sans ôter la place centrale qu’ils donnent au spectacle de la beauté corporelle dans l’éveil de l’amour.
Citation 2 :
L'amour pourrait-il perdre le sens ascétique, religieux, élitiste qui s'est imposé à travers les figures de l'amour romantique, moral, céleste ?
Pourrait-il devenir physique, éphémère, démocratique ?
De la même façon que le bonheur, l'amour pourrait-il être désacralisé, débarrassé de l'exigence d'éternité ?
Je ne vois pas pourquoi ce serait impossible.
Resterait-il à savoir si ce serait souhaitable !