Ma vie avec Clint
Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...
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1562, Pieter Brueghel l'Ancien peint des hommes et des squelettes. Quelques vifs et d’innombrables transis, aurait-il précisé.
2018, j’admire et me perds dans son œuvre. Comment cet homme, tout juste sorti du Moyen-Âge, des âges farouches et barbares, parvient-il à parler aussi distinctement à mon imaginaire ? Sommes-nous donc si proches ? Pieter, m’entends-tu ?
L’iconographie chrétienne propose deux visions, complémentaires, de l’Apocalypse.
Le Jugement dernier : Jésus vient chercher les justes. Les pécheurs irréductibles prennent la direction de l’enfer, accueillis à coups de fourche et autres diableries. Ce thème illustre les portails de nos églises. Convertissez-vous !
La Fin des temps, c‘est juste avant. This the End, chantaient The Doors. C’est le triomphe, provisoire mais achevé, de la Mort. C’est le sujet des danses macabres, du Septième Sceaux d’Ingmar Bergman ou de La Nuit des Mort-Vivants de Georges A. Romero.
Bien que de petite taille (117x162 cm), le tableau est d’un prodigieuse richesse. Imaginez un pays heureux, en front de mer. Puis, soudain, sans avertissement, l’invasion, la Mort est là. Les zombis de Romero mordent et tuent. Après avoir réveillé les cadavres, les transis de Bruegel, torturent et tuent. Ils brûlent et ravagent. Ils jouent de la vieile, de la trompe, du tambour et sonnent un tocsin vengeur. Vêtus de rares linceuls immaculés, ils déferlent en masse. Formée en armée, la chevalerie charge et la ricanante piétaille progresse derrière des croix parodiques et des cercueils érigés en boucliers. Maniant la grande faux, le général chevauche un destrier furieux et efflanqué.
Bruegel s’interdit tout effet fantastique, mais décrit froidement les horreurs de la guerre. Ici, on égorge, on décapite, on pend sans jugement, on fuit ou se cache, on est pris. Au premier rang, un roi avare se voit signifier la fin de son temps. Des amoureux égoïstes, un cardinal effondré, un bébé innocent, des joueurs affolés, tous vont périr. Un moine supplie, en vain, il ne sera pas épargné. De rares humains courageux luttent, mais succombent sous le nombre. Les survivants sont jetés dans une tombe. Les transis célèbrent leur victoire. L’homme est mortel, le spectateur se voit rappeler à sa finitude. Tout est vanité. Mon ami, convertis-toi et/ou profite du temps présent.
https://scribouillart.wordpress.com/2015/06/11/le-triomphe-de-la-mort-pieter-brueghel-lancien/
Le Prado, Madrid
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le 16 août 2018
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