Écrit par un homme – et probablement pour des hommes –, Pinup Girls, Playmates et Bimbos adopte par moments le style enthousiaste de l’adolescent fier et un peu grisé de pouvoir parler de ses loisirs honteux dans une dissertation de philosophie : « les images érotiques et pornographiques ont toujours fasciné l’être humain : les dévots les condamnent, mais nous n’avons, nous, de cesse de les chercher » (p. 21), voilà qui annonce la couleur. De même, il doit y avoir une forme de jubilation à expliquer que « Broad, bimbo, dumb ass chick, toots, fox, babe, blondie, lady, trick, chick, hoe, temptress, mistress, hooker sont loin d’être entre eux équivalents ; pas plus que bazarettes, cardelines, nines, parpelles et autres déesses des rues que sont les radasses ou les cagoles marseillaises » (p. 69).
Mais autant le ton est dégagé, voire badin, à l’image de ce que l’auteur proposait dans Douces Fessées, Plaisantes Caresses, autant le propos tourne vite en rond : une fois dit qu’« elles [les premières pinups] sont l’emblème d’un fantasme qui, depuis lors, est demeuré prégnant dans l’imaginaire occidental, celui d’une innocence virginale provoquant le désir » (p. 11), que « soit absolument idéalisée, soit entièrement réifiée, la femme dont on punaise la beauté sur les murs est aussi et victime et fatale » (p. 12) ou encore que « provocante – les dévots crispés diront vulgaire ! –, futile – les savants guindés diront idiote –, elle [la bimbo] subsume les traditionnelles catégories » (p. 73), il n’y a plus grand-chose d’autre à se mettre sous la dent.
Et alors que Douces Fessées, Plaisantes Caresses proposait en une cinquantaine de pages une introduction substantielle à son sujet, les quelque cent pages de Pinup Girls, Playmates et Bimbos peinent à exposer davantage que des esquisses d’idées. Oui, « la féminité dépend étroitement des mots qu’on utilise pour la dire » (p. 69) ; oui encore, la real doll « inverse le poncif qui veut que les femmes soient des poupées : elle est une poupée qui fait office de femme » (p. 75) ; oui toujours, « il est loin d’être sûr que qui que ce soit, tout genre confondu, préférerait, en toute honnêteté, un monde de filles pansues, souffreteuses et disgraciées » (p. 78). Mais après ? Une fois que l’on a dit ça, on a tout et rien dit.
Peut-être aurait-il fallu d’entrée délimiter le sujet, avant d’approfondir le propos en analysant de façon plus détaillée des figures que le lecteur ait eues sous les yeux. Car si on peut effectivement conclure que les trois figures fantasmatiques féminines du titre sont « les trois sommets d’un même trigone, celui de la représentation érotique et marchande de la féminité dans notre monde de la société de consommation dirigée, elle-même régie par trois principes qui ne laissent pas de se recouper : “sex sells”, “sex is for sale”, “sex is health” » (p. 81), il devait être possible de le montrer de façon moins allusive.

Alcofribas
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le 24 déc. 2017

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