La critique est aisée mais l'art est difficile

Même si l'ouvrage a plus de cinq ans aujourd'hui, et qu'il a été publié avant le séisme politique provoqué par l'élection d'Emmanuel Macron à la présidence de la République, le sujet central du livre reste tout autant d'actualité : l'important déséquilibre que représente le système de la Ve République au profit du Président, qui concentre une grande partie du pouvoir politique.

L'ouvrage est intéressant à plus d'un titre, notamment en ce qu'il retrace les étapes qui ont fait du régime de la Ve République celui que l'on connaît aujourd'hui. Cela passe par le texte de base évidemment, mais aussi et surtout par les révisions successives qui ont petit à petit fait du Président l'alpha et l'oméga de ce régime : l'élection au suffrage universel direct, la réforme du quinquennat et l'inversion du calendrier électoral entre les élections législatives et l'élection présidentielle. De plus, Ghislaine Ottenheimer a labouré tout son carnet d'adresses afin de recueillir de très nombreux témoignages de femmes et d'hommes politiques ainsi que de hauts fonctionnaires rompus à ce régime, témoignages qui retracent la pratique du pouvoir par les Présidents successifs et leur tendance à la centralisation de toutes les décisions au cœur de l'Elysée, parfois au mépris du Parlement, de la société, voire de son propre gouvernement.

Là ou l'ouvrage pêche en revanche, c'est sur le matraquage successif de la nullité de la France, qui serait à l'entendre le pire système politique du monde, et de loin. Pour autant, aucun chapitre ne propose une réelle comparaison des systèmes qui permettrait de mettre en perspective les travers de notre système politique. On tombe en revanche assez facilement dans la démagogie, par exemple sur le nombre d'élus : en abordant cette problématique, on ne peut se contenter de faire une simple comparaison arithmétique entre les pays sans aborder les raisons de ces différences. L'ouvrage a malheureusement tendance à tourner en rond dans sa critique, certains chapitres ressassant des thématiques déjà abordées auparavant pour simplement enfoncer le clou.

Enfin, au rayon des solutions, le livre se conclut en eau de boudin. Proposer de mettre un terme à la toute-puissance présidentielle tout en écartant d'emblée la solution de Jean-Luc Mélenchon est une des nombreuses preuves du biais idéologique qui transparaît au fil de la lecture. Celui-ci est plus ou moins le seul responsable politique cité dans l'ouvrage qui propose effectivement de réformer la Constitution en profondeur. Pourtant l'autrice considère que sa proposition est farfelue sans pour autant expliquer pourquoi, ce qui aurait eu le mérite de donner un peu d'épaisseur à des propositions molles, vu que selon elle, il serait malgré tout impensable de revenir sur l'élection d'un Président de la République par le suffrage universel.

Au final un livre bien documenté qui contient de nombreuses anecdotes qui pourront intéresser ceux friands de coulisses du pouvoir, mais malheureusement plombé par un ton péremptoire sur la faillite du système sans pour autant proposer de vraie rupture, ce qui est regrettable au vu de l'ampleur du sujet qui reste d'actualité, vu qu'Emmanuel Macron s'est pour le moment bien gardé de l'aborder.