Maintenant, je sais ce qu’est la prisca theologia… C’est cette matière « composée : / – d’un ensemble de textes crédités d’une grande antiquité : Hermetica, Oracula chaldaïca, Orphica, etc. / – de sages n’ayant laissés [sic] aucun écrit : druides, gymnosophistes, mages ; / – de Moïse et du Pentateuque ; / – de Platon » (p. 42).
J’admets volontiers qu’un tel savoir est absolument inutile : il ne changera pas mon mode de vie, je continuerai à boire du café le matin et mépriserai toujours autant les Anges de la télé-réalité. Je savais déjà que la théologie médiévale et renaissante parvenait à voir dans tel passage d’Ovide ou de Platon une préfiguration du message christique, maintenant je saurai (m’)expliquer un peu plus en détails pourquoi et comment la Renaissance a pu concilier, sans trop de casse et parfois sous couverture, l’étude de l’Antiquité et le christianisme.
Naturellement, le regard que j’ai sur le travail de Daniel P. Walker est celui d’un humble consommateur. Mais s’il se trompe sur certains points, je ne l’ai pas vu ; et le propos, parfois de haut niveau, reste clair. Les grandes lignes en apparaissent clairement : « Tout l’édifice de la prisca theologia repose sur l’idée que les théologiens antiques ont délibérément produit des textes obscurs, qu’ils ont dissimulé leurs propos sous un voile et que tout texte religieux appelle une interprétation allégorique » (p. 50-51) ou encore « Le principal problème avec la magie est sa liaison intime à l’idolâtrie » (p. 84).
À partir de ces grandes lignes, on trouve soit des développements plus précis et plus nuancés sur tel ou tel auteur du XVIe siècle français, soit des propos plus généraux : « Dans la théorie du langage ainsi déployée, le mot est considéré […] en tant que symbole magique : il dénote les objets mais exerce également le pouvoir qui leur est attaché, parce qu’il porte en lui leur substance ou essence » (p. 76).
Naturellement, l’auteur n’a rien à voir avec l’un de ces quelconques charlatans dont les bouquins encombrent les rayons ésotérisme des librairies – lesquels rayons ont eux-mêmes tendance à encombrer les librairies… Daniel P. Walker précise par exemple que « Si un chrétien est prêt à croire en l’existence de théologiens antiques qui, dans une certaine mesure, auraient préfiguré la révélation chrétienne, il doit être prêt à supposer ou accepter comme historiques l’une des hypothèses suivantes : / – La seule – ou principale – révélation antérieure au Christ est la révélation juive ; mais elle nous a été transmise par le biais des païens. […] / – D’autres révélations – inabouties – se sont produites en dehors de la révélation juive. » (p. 26) : il présente cela seulement comme un fait historique, et son travail n’est chargé d’aucune révélation.
Pour finir – et ce point ne devrait jamais être anodin quand on publie des travaux d’érudition –, l’effort de lecture est amoindri par la qualité de l’objet : les éditions Allia comprennent que pour donner envie de lire, il peut être judicieux de soigner la typographie et la couverture.

Alcofribas
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le 18 mars 2019

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