Je n'aime pas la psychanalyse. Entendez-moi bien. Je reconnais qu'elle peut éventuellement secourir dans des cas extrêmes. Qu'elle est capable de solutionner des problématiques comme les traumatismes, comme la religion peut répondre à des questions existentielles. Et je la distingue de la psychiatrie médica-menteuse (bien que l'une soit partiellement ramifiée à l'autre). Mais ce n'est pas une science, car elle n'obéit à aucune règle générale. C'est-à-dire que le bilan qu'on doit en tirer doit dépendre des malades. En tout cas, ni la pratique d'une thérapie, ni la psychanalyse ne m'ont jamais aidé - hormis lire des livres de ces disciplines. Non plus que la religion, qui vaut au moins par son symbolisme, c'est-à-dire par l'influence matérielle, historique, qu'elle exerce profondément sur les mentalités.


Mon approche sera le fruit de réflexions personnelles (influencées par l'anti-psychiatrie - que je n'aime pas non plus), une forme de réponse à la clinique lacanienne (faisant des jeux de mot qui ne parlent qu'aux jargonneurs - ce en quoi l'anti-psychiatrie excelle également), elle sera influencée par la lecture de théologiens, de philosophes, le tout à ma sauce, ou comment je m'en suis sorti (que ce soit drogues, alcool, tabac), grâce à la poésie. Je ne m'érige pas en modèle d'exemplarité, mon histoire est une perspective, qui vaut ni mieux ni moins, que celle de Lacan et ses séides.


Qu’est-ce que cherche à dissimuler le toxicomane ?

Un fait est que la prise de drogues, occulte la résolution des problèmes.

Un mécanisme bien connu des psychanalyses est le refoulement.

Ne pas affronter en face ses problèmes n'est pas une marque de lâcheté, quand ces problèmes sont trop durs à affronter. On ne se livrera donc à aucun volontarisme.

Les toxiques peuvent avoir un effet thérapeutique, dans une perspective auto-thérapeutique.

Il existe des toxicomanes de la drogue, mais l’obsession peut revêtir bien des formes, dont certaines sont plus ou moins socialement permises, à défaut d'être admises.


Être conduit de désespoir à ingérer une substance mortelle, conséquence au fonctionnement de cette machine mémorielle, qu’est l’homme ?

Prendre l’habitude de s'intoxiquer est une forme de sacrifice du corps, devenu espace empirique.

En se piquant, au même titre qu’en se faisant tatouer, percer ou se scarifiant, on marque sa chair au fer rouge, afin de n’oublier jamais, les champs brûlés. Les territoires sous les bombes. Le vrai sens de la Passion.

Par exemple, les caresses induites par les psychotropes, au même titre que les douleurs qu'ils induisent – car tous les maux d’âme ont des répercussions physiques – sont des conquêtes du corps, inconnu, indomptable et silencieux.


A défaut de réciprocité des sentiments, l’aimant doit souffrir, la souffrance étant l’encodage qui authentifie son sentiment, le Sacrifice.

L’incarnation de l'idée fait souffrir, elle est incorporation, mise au tombeau.


C’est un curieux paradoxe par lequel la clarté se mêle à l’eau trouble. Par lequel l'amour, sentiment noble, une fois perverti devient une source de souffrance, de souillure originelle, d'arrachement, de déracinement.


La nature de la toxicomanie et celle de la passion, se rejoignent.

La toxicomanie n’est pas la transgression suprême, c’est une infra-transcendance. Elle homologue le sentiment.

Comme un menhir.

La transgression, ce crépuscule de la morale. Lorsqu’on ne croit plus, mais suffisamment pour donner une importance à nos actes. Comme dans un théâtre. Lorsque les feuilles mortes de l’Arbre de la connaissance commencent à jaunir et tomber.


Au même titre que le menhir surplombe la plaine, la souffrance profonde, suprême et pleine traverse le temps.

Elle ravive la flamme des souvenirs, reliant le passé au présent, au passé…

Le passé au présent qu’on appelle nostalgie, est à comprendre différemment du présent au passé, bien que ce dernier soit la condition du premier.

Le présent au passé, c’est par exemple le travail des graveurs sur pierre des tablettes d’Hammourabi : inscrites dans la roche dans un but, celui de traverser l’histoire.

Le passé au présent, c’est l’archéologue qui les découvrit un beau jour, ce sont les touristes qui viennent les admirer au Louvre.

Une modalité étant l’ancrage – les psychanalystes diraient l’affect – temporel de l’autre.

La toxicomanie est une table de loi, ce n’est pas un tabou.

Elle inscrit le présent dans un passé qui vaudra au futur.

C’est une cathédrale de douleur.

Un monument construit sur la souffrance.

Une souffrance qui n’a d’autre nom que l’amour, son absence.




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le 2 déc. 2024

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