Dans tous les sens
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Je parle bien ici de Quelques fantômes de jadis sous-titré Verlaine, Charles Cros, Alfred Jarry, réédité par Berg International en mai 2016 et qui reprend une partie de l’(introuvable) édition originale de 1913… Or l’amateur de littérature « fin-de-siècle » est bien placé pour le savoir : certaines maisons servent bien mal les textes qu’elles rééditent. Chez Berg International, donc, – comme on l’aurait fait chez quelques autres, – on a allègrement coupé dans le recueil de portraits que constitue Quelques fantômes de jadis pour en extraire les chapitres consacrés aux plus vendables des écrivains traités. Évidemment, on aussi jugé inutile une préface ou des notes contextualisant un texte qui en aurait pourtant eu besoin. Quant aux coquilles, j’ignore si on les trouve dans l’édition originale, mais la présence d’un Paul Bouget (sic) dans la liste des « ouvrages publiés dans la même série » laisse penser que non…
Précisons-le d’emblée : le lecteur qui sait à peu près ce que furent les vies de Verlaine, Cros et Jarry n’apprendra rien. Il y a dans leurs portraits quelque chose d’un exercice d’admiration (« Verlaine, tous, nous l’aimions à la fois comme une maîtresse et comme un dieu », p. 30) qui semble destiné à faire rejaillir sur l’auteur le prestige de son sujet, à la façon de ce que Charles Asselineau fit avec Charles Baudelaire. C’est là que le terme fantômes du titre prend tout son sens : compte tenu de ce que la postérité fit des membres du trio, il y a quelque chose d’un peu transparent dans les portraits que Tailhade en fait.
On croisera également les ombres de l’oublié Leconte de Lisle qui à « cette époque, menait boire son dernier troupeau de buffle, empaillait son ultime jaguar » (p. 24), et de quelques uns plus oubliés encore : la vedette des lettres bressanes Gabriel Vicaire, qui « ne pouvait passer pour beau qu’au pays des aveugles » (p. 17), ou le génie auto-proclamé Emmanuel Signoret, « malpropre aussi, mais avec des enthousiasmes de séraphin déplumé, Emmanuel Signoret à qui ses longs cheveux, sa voix de ténor poitrinaire, ses yeux d’azur et ses ongles de bitume donnaient l’apparence d’un Galor miteux, d’un Parsifal tombé dans la débine, d’un héros vierge, vierge surtout de brosses et de bains » (p. 14)…
Peut-être les quelques extraits ci-dessus auront-ils fait comprendre que c’est l’écriture de Tailhade, son aisance dans la digression, son goût de l’esquisse laconique confinant parfois à la médisance qui font le charme de ces Quelques fantômes de jadis.
Créée
le 25 mars 2017
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