Il y a dans ce polar un tueur en série d’une violence inouïe, l’un des plus effroyables que le XXe siècle ait connu. Rendez-vous compte : 35 000 morts rien qu’en France, et sans doute des centaines de milliers dans le monde entier – car, oui, cet assassin est partout. Et le pire, c’est qu’il n’a pas encore fini de sévir, alors qu’on l’a clairement identifié et qu’on le traque désormais dans ses moindres cachettes.
Ce serial killer, c’est l’amiante. Et ses crimes – ainsi que ceux qui lui ont permis de faire des ravages, bien longtemps après qu’on a découvert son atroce capacité de nuisance – sont au coeur de Ravages.
En prenant le temps qui lui est nécessaire, mais sans pour autant ennuyer son lecteur, Anne Rambach livre un polar brûlot, instructif et effrayant. A moins d’avoir suivi de très près ce scandale sanitaire qui défraye la chronique depuis longtemps, et qui n’a sans doute pas fini de faire la une (on attend toujours le grand procès de l’amiante en France), vous découvrirez l’étendue d’une affaire honteuse, dont les ramifications internationales ont laissé des milliers de gens sur le carreau dans le monde.
Léger revers de la médaille, l’aspect purement policier du roman n’est pas totalement réussi, en ce sens que la résolution de l’enquête est très décevante, voire improbable d’un strict point de vue narratif ; en tout cas, elle n’est pas à la hauteur de l’ambition du sujet. Heureusement, une fin à double détente, intransigeante et tout en noirceur, vient rattraper cette déception.
Par ailleurs, il faut souligner le soin qu’apporte Anne Rambach à son écriture, notamment dans ses descriptions des personnages et surtout des décors. C’est parfois boursouflé, certaines métaphores sont un peu indigestes, mais il serait injuste de reprocher à un auteur de polar son envie de ne pas rabaisser son livre avec un style à l’emporte-pièce, sous prétexte que ce ne serait qu’un polar…
Et puis, certains passages sont époustouflants, en particulier ceux au Mont Saint-Michel, que j’ai rarement lu aussi bien décrit.
S’il faut lire Ravages, c’est donc avant tout comme un roman engagé, hyper documenté. Une excellente approche sur un sujet, l’amiante, dont on ne parle sans doute pas assez.