Sic F. Ruffin


" Fakir : L'intellectuel devient un genre d'homme supérieur ?


A.G : Non. D'abord, dans les groupes mililants, tout soldat peut devenir capitaine, et très vite. Surtout, il faut accepter un mouvement dans les deux sens : certes les intellectuels élèvent la conscience des masses, mais les masses enseignent aussi aux intellectuels, à tenir compte de leurs problèmes, de leurs préoccupations, de leur aspirations, etc. Autrement dit, l'élèment populaire "sent", mais ne comprend pas ou ne sait pas toujours. L'élément intellectuel "sait", mais ne comprend pas ou surtout ne "sent" pas toujours. Pour ne pas se séparer du peuple, pour savoir véritablement, l'intellectuel doit être traversé par les sentiments des masses, les vivre.


Pourquoi n'y a-t-il pas, en italie, et c'est navrant, de littérature national-populaire ? Parce que, pour qu'un écrivain puisse, par ses oeuvres exprimer la conscience des masses populaires, il faut qu'il comprenne leurs besoins leurs exigences, leurs espérances, il faut qu'il les vive, qu'il s'en imprègne. Mais nos écrivains sont des êtres détachés, assis sur les nuages, une caste. Alors que, lisez Dostoïeski : il y a là un fort sentiment national-populaire, une puissance d'évocation des humbles, de la sagesse instinctive et ingénue du peuple, qui entraine dans ses romans des crises de conscience chez l'homme cultivé. Les conceptions du monde sont élaborées par des esprits éminents, mais la réalité est exprimée par les simples.


Souvent, l'intellectuel commet une erreur : croire qu'on peut savoir sans sentir et sans être passionné. Il en tire parfois même une fierté, être distinct et détaché du peuple nation, ne pas éprouver les passions élémentaires du peuple, voilà qui risque de le réduire à un pédant. L'intellectuel devrait, au contraire, comprendre ces passions, les expliquer et les justifier dans la situation historique déterminée. On ne fait pas de politique-histoire sans cette passion, c'est à dire sans cette connexion sentimentale entre intellectuels et peuple-nation.


Que disparaisse cette liaison émotive entre l'intellectuel et les classes populaires, ce lien affectif, et : : : se détache des réalités, se cristallise en dogmes, en formules rituelles. Sans lui, le rapport devient purement extérieur et coercitif : le parti règne sur les masses sans les exprimer vraiment."

Alea
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le 6 juil. 2017

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