Après un plaisir de lecture évident, il reste un goût d'inachevé et d'incompréhension...
Giuseppe Gavotti est trouveur d'objets introuvables pour collectionneurs extravagants. « En résumé, c'est très simple : collectionner est une activité de crétin. Mon activité consiste à collectionner l'argent des crétins », explique-t-il à Lucien. Lucien, c'est moi, c'est vous, c'est une « personne pourvue d'une intelligence minimum ». C'est à lui qu'il s'adresse tout au long du livre pour raconter l'une de ses aventures. Il nous prévient, d'ailleurs, qu'on ne pourra pas démêler le vrai du faux, mais ça importe peu. Ce qu'il faut retenir de l'histoire, c'est que :
« Ceci étant dit, et bien dit, j'entamerai sans plus attendre le récit honnête, méthodique et dénué de tout agrément superflu de ce qui m'est arrivé l'année dernière lorsque Mr. John T. Garner s'attacha mes services, ainsi que l'assurance de se voir remettre, pour une somme modique, le dentier de Robert Mitchum. »
Vous imaginez bien qu'en exposant la situation dix pages après avoir commencé à parler à Lucien, le narrateur passera par bien d'autres détails superflus. À vrai dire, il ne raconte quasiment que des détails superflus. Vous souhaitez connaître les grandes lignes ? Savoir comment ? Savoir quand ? Et bien vous ne le saurez pas. Ce que vous apprendrez en revanche, c'est que son voisin est un connard, son neveu un profiteur ; ce sont ses descriptions, de Los Angeles (en une phrase d'une page ! pp 95-96), des gens qui l'entourent (dont certaines à mourir de rire, le valet de John T. Garner devient sous sa plume une « allégorie de la constipation, queue de pie et gueule de plâtre (...) glabre, édouardien, glissant et expressif comme un bouton de porte (...), les yeux sous un front blême semblaient deux olivettes dans un bloc de saindoux » page 34). Ce que vous découvrirez, c'est l'épopée rocambolesque et absurde tout en ellipses de Giuseppe Gavotti. Tout en ellipses à cause d'un manque cruel d'explications logiques. Mais pendant la lecture, ce n'est pas vraiment gênant. J'ai plutôt ressenti du plaisir à suivre cet anti-héro au fil des pages.
L'ennui, c'est que les digressions et ellipses en tout genre, les références à répétition et l'érudition loufoque de Régis Délicata parasitent le récit. Un récit baroque, original, extravagant et exigeant qui se lit avec délectation mais laisse un goût amer d'inachevé et d'incompréhension.