Rivières de la nuit par MarianneL
Tandis que l’état de la planète s’aggravait de façon alarmante, multiplication des pics de pollution, des attaques terroristes, des conflits armés et des pandémies, menace nucléaire omniprésente, réchauffement incontrôlable du climat causant des migrations massives, le désastre annoncé n’avait en rien freiné l’appétit insatiable du capitalisme continuant inlassablement, et de manière exponentielle, à chercher comment exploiter les nouvelles "opportunités" nées de la catastrophe : extraction des sources ultimes d’énergie fossile et des matières premières devenues accessibles grâce à la fonte de la banquise, création d'un tourisme de masse dans les zones polaires, commercialisation de produits financiers spéculant sur les désastres à venir.
Une Fondation, créée pour "améliorer" génétiquement les semences, avait alors entrepris la construction d’un abri pour sauvegarder les semences des cultures vivrières formant l’essentiel de l’agriculture mondiale des conséquences des désastres possibles sur terre, projet présenté comme humanitaire mais dont les visées économiques allaient apparaître clairement : breveter les végétaux pour en prendre le contrôle et les exploiter économiquement.
Bien des années plus tard, Elja Osberg est envoyé en mission dans ce bunker, gardien solitaire de cet abri censé protéger la diversité végétale, tandis que la planète et l’humanité sombrent, dévorées par les nuisances créées par les hommes.
«L’arche se dressait devant nous, compacte, massive, gigantesque bunker de béton et de tôles, surmonté d’une grande verrière en plexiglas. De loin, sur le bateau, elle m’avait fait la sensation d’un mastaba émergeant des neiges, mis au jour par une équipe d’archéologues ; maintenant que j’étais à quelques mètres d’elle, j’avais plutôt la sensation d’un objet totalement incongru, une anomalie du paysage, comme un kyste malin implanté dans la montagne.»
Faut-il décrire une catastrophe devenue inévitable ? Ou bien évoquer la dissolution de l’homme, dans la solitude, la folie et la catastrophe, et la possibilité de sauvegarder un fragment d’humanité après l'apocalypse ?
«Fossoyeur de ma propre conscience, je suis un puits, un puits contemplant le ciel – abîme contre abîme. Dans la paume de mes mains, je contemple la rature des astres. Je ne suis plus que le reflet d’un reflet.»
Pour écrire ce récit au-delà d’une apocalypse à laquelle nous faisons face, conséquence ultime de l’avidité marchande, Xavier Boissel s'est inspiré de l’édification, bien réelle, de la Réserve mondiale de semences du Svalbard. Ce deuxième roman, à paraître fin août 2014 aux éditions Inculte, (et dont la publication sera accompagnée de l’édition d’un 33 tours du compositeur Denis Frajerman) fait écho à «La minute prescrite pour l’assaut» de Jérôme Leroy ou au «Journal intime d’une prédatrice» de Philippe Vasset, et confirme, après "Autopsie des ombres", le talent impressionnant de l'auteur pour nous faire ressentir, dans une langue étonnamment poétique et visionnaire, la dissolution de l’homme dans l’horreur du monde moderne.
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