Jacques Pimpaneau est l'un des derniers grands sinologues français; de ceux qui, par leur connaissance de la réalité chinoise, ne se sont jamais illusionnés sur la nature du régime pseudo-communiste de ce pays et ont vite su distinguer derrière les masques révolutionnaires de ses dirigeants la réalité totalitaire de leurs procédés et leur cynisme criminel. Réalité totalitaire qui se perpétue désormais sous la forme d'un des plus brutal capitalisme de la planète.
Ces circonstances expliquent le regard quelque peu désabusé que Pimpaneau porte sur ce pays dont il connait si bien la richesse culturelle passée. L'espèce de fatalisme que véhicule le personnage central de ce court roman n'est sans doute pas étranger non plus à cette situation.
Le récit se situe à la charnière entre l'époque Ming (1368-1644) qui fut une dynastie d'origine chinoise et l'époque Qing, dynastie d'origine Mandchou qui s'imposa donc militairement en 1644. L'impermanence des choses, sentiment si caractéristique de la mentalité chinoise, s'en trouve donc fortement accentuée. Notre saltimbanque traverse sa vie comme une errance, acquérant au fil des années la conscience du peu de prise qu'il a sur les choses et sur son propre destin; saisissant le bonheur quand il s'offre mais sachant aussi faire face à la perte. C'est donc une belle leçon de vie que nous offre encore Jacques Pimpaneau - même si elle est également empreinte d'une certaine tristesse. Mais un autre grand sinologue, Simon Leys, faisait remarquer dans l'un de ses derniers ouvrages que celui qui estime, sur le tard, avoir pleinement réussi sa vie n'avait probablement pas beaucoup d'ambition au départ - considération dont tout un chacun appréciera ici la lucidité.