Se mettre à nu,
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le 19 sept. 2024
Créons-nous l’absurdité de la vie que nous menons ?
Lorsqu’une chose nous est offerte ou qu’on la possède, on s’habitue à sa beauté, à sa présence et on finit par oublier sa douceur. Le seul moment où l’on prend conscience de l’importance de cette chose, c’est lorsqu’elle nous échappe, au moment où son absence devient insoutenable.
Cela ne s'applique pas qu'aux objets ou aux personnes, mais à tout ce qui compose notre quotidien. La justice, la paix, l'amour, même le beau temps, tous ces éléments essentiels passent souvent inaperçus tant qu'ils sont à portée de main. Ce n’est qu’en les perdants que leur véritable valeur nous frappe de plein fouet, et c'est là que l'on réalise combien ils étaient précieux. Si ça, ce n’est pas absurde, à croire qu’on ne sait pas être heureux.
La vie n’est plus si belle quand on se familiarise à son goût, c’est la mélancolie et l’ennui d’une routine monotone. On s’extasie un instant, puis cette révélation sur la beauté du présent s’évapore pour se cacher dans l’inconscient. Pourtant, il suffit d’un détail qui cloche, d’un petit caillou dans la chaussure, d’un pull qui gratte ou d’un café trop chaud pour troubler le calme, pour révéler de nouveau cette harmonie. On a besoin des accidents, des imprévus, et c’est ça, une rencontre avec Rothko. Le cri de ses toiles crée des avalanches à l’intérieur de nous, le temps est suspendu et un dialogue commence, c’est intime, c’est émouvant, c’est beau.
Bien que de nombreuses personnes aient saisi le génie de Rothko, beaucoup restent sceptiques quant à la pertinence de ses œuvres : « N'importe qui pourrait faire ça ». On le sait, l’art contemporain fait débat. Certains critiques estiment que, sans effort évident pour représenter le réel, la qualité des œuvres serait moindre et, par conséquent, l’estime et l’intérêt qu’on leur porte également.
Il est vrai que l’art de Rothko ne semble pas demander la maîtrise technique traditionnellement associée à l’art. Ce n’est pas aussi impressionnant que les chefs-d'œuvre de Raphaël, de David ou d’Ingres. Mais justement, cet art abstrait cherche à montrer le beau là où on ne l’attend pas. Ce qui est véritablement difficile mais essentiel pour être heureux, c'est de savoir contempler la beauté chaque jour, d'apprendre à ne pas s'y habituer, mais plutôt à observer, à ressentir et à se laisser surprendre. C'est exactement ce que vise l'œuvre de Rothko. Une chose belle n’est pas faite pour être complexe, difficile à comprendre ou à réaliser. Au contraire, on pourrait presque parler de la simplicité des choses bien faites. La créativité se résume par la beauté qui se dégage lorsque, du trois fois rien, naît une complexité qui résonne avec justesse. Une idée est bonne lorsque sa conceptualisation est simple mais que son écho est profond.
D’ailleurs, Rothko considérait les principes stylistiques et formels de Mozart comme une influence directe de son art. Tous deux partagent ce même objectif : simplifier sans jamais amoindrir, distiller la complexité en une forme limpide qui touche au cœur de l’humain. Rothko a accompli avec ses couleurs en peinture ce que Mozart a réalisé avec ses notes en musique. L’artiste a fait un véritable travail d’introspection pour obtenir exactement l’effet qu’il cherchait à produire.
Créée
le 5 oct. 2024
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