Quel magnifique roman découvert par hasard ! En effet, combien peu de lecteurs connaissent aujourd'hui Mary Webb, une femme de lettres anglaise viscéralement attachée à la campagne du sud-ouest qui l'a vue grandir et vivre avant l'exil à Londres.
Tout, dans "Sarn" (autrement titré "Le délicieux fléau"), m'a transportée avec délices dans les décors et l'univers de mon cher "Loin de la foule déchaînée" de mon non moins cher Thomas Hardy. Les descriptions sont magnifiques, le ton est juste, les personnages sonnent vrai et le drame qui se noue entre les pages de ce roman est beau d'intensité et de poésie. D'ailleurs, à bien y réfléchir, j'affirme qu'il est absolument impossible que Mary Webb n'ait pas été influencée par la lecture de Thomas Hardy, comme tout écrivain anglais qui se respecte.
Début du XIXème siècle. Prudence et son frère Gédéon Sarn vivent dans la ferme familiale avec leur mère. Après la mort du père, c'est Gédéon qui est devenu le chef de famille et il nourrit une ambition farouche : s'enrichir pour sortir de sa condition paysanne et procurer du même coup à sa soeur Prudence, la narratrice, une situation sociale qui fasse oublier son handicap - un bec de lièvre, catalyseur de superstition et d'exclusion. La saga familiale que nous offre Mary Webb comporte tous les ingrédients qui signent les grands romans : traditions, passion, romance, violence, spiritualité et le portrait précis et touchant d'un univers tour à tour attachant et mortifiant.
"Sarn" compte parmi les classiques des lecteurs d'outre-Manche et j'adhère totalement à ce statut très mérité. Un beau coup de coeur et un récit qui hantera longtemps mes pensées.