C'est Marthe qui nous raconte l'histoire de sa famille. Elle note dans son carnet, à l'intention de Léonce, son petit-frère, comment elle voit ce qu'ils vivent, dans une ferme isolée, avec leur mère Andrée et leur père Paul.

Elle note la vie avec les animaux, le chien Sony mais aussi le troupeau, comme un réconfort, un paravent à la violence. Celle d'un père, dur, maltraitant, ce qu'on appelle aujourd'hui violences inter-familiales.

Son «journal» commence quand elle a douze ans et se termine quand elle a vingt et quelques. Entre temps elle a trouvé des soutiens, qu'elle s'est construit ou plutôt qu'elle a su saisir faisant front à la toute puissance paternelle. L'amour, presque secret avec sa mère et son frère; cette belle image de mademoiselle Nathalie son institutrice qui lui a donné le goût de la lecture, à la dérobade, elle s'est appropriée d'Eschyle. Et la rencontre, forte des premiers émois d'adolescente, avec Florent, qui veut devenir musicien. Ils partiront à Baltimore où il joue et elle entame ses études de grec, qu'elle a tant voulu, traduisant de mieux en mieux Eschyle.

Mais le drame était là et avant son départ, la violence du père une fois encore cruelle, aveugle, sans limite, provoquera la mort de sa mère.

Heureusement que Myriam, leur voisine, leur amie, va accueillir Léonce et elle pourra partir, mettant la distance nécessaire, temporairement, pour s’éloigner de l'animalité de la rudesse familiale.

Son retour à la ferme pour la reconstitution avec la justice, la confrontera à nouveau à ses images, à ses souvenirs qui n'avaient été qu'endormis, mais qui restaient agissants, douloureux, violents.

Nous sommes saisis par ces pages denses, nous menant vers des associations à la fois poétiques, parfois déconcertantes mais toujours très justes, car c'est Marthe qui nous y conduit.

On pourrait s'attarder sur l'auteur grec qui l'a aidé à sortir de son enfermement, qui lui a permis de comprendre autrement la tragédie de la disparition de sa mère. Mais c'est la finesse de regard de ce premier roman qui nous paraît devoir être signalée.

L'écriture de Nicolas Clément, c'est comme le travail d'orfèvre, avec minutie, avec délicatesse et avec une musique qui laisse entendre que dans la mélancolie et la tristesse du récit, il y a aussi cette lumière que Marthe nous transmet de sa force, de la capacité d'empathie qu'elle dégage. Extraits :
«Dans mon dictionnaire, je cherche la langue de Papa, comment la déminer, où trouver la sonnette pour appeler. Mis la langue de Papa n'existe qu'à la ferme, hélas. Il nous conjugue et nous accorde comme il veut. Il est notre langue étrangère, un mot, un poing, puis retour à la ligne jusqu'à la prochaine claque » (pg13).
«Le jour tombe. Je rentre à la ferme, je pédale de toutes mes forces, j'attache les mots de Florent sur une portée qui m'efface, je vole vers Maman qui ne doit pas rester sans fleurs. Dans la cuisine, Papa me lance un regard froid qui fait fuir les bêtes» (pg35).
http://blogs.mediapart.fr/blog/arthur-porto/061113/sauf-les-fleurs-comme-un-conte
ArthurPorto
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le 6 nov. 2013

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ArthurPorto

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