Scintillation est un roman brillant, inventif, déconcertant, etc. C'est le type de livre que l'on admire, pour son style, pour l'intelligence de sa narration polyphonique et omnisciente, pour son mélange des genres, pourtant si complexe à maîtriser. Thriller, roman initiatique, fantastique, poétique, politique, Scintillation est tout cela à la fois. Mais c'est aussi le type de livre que, peut-être même pour les raisons énoncées plus haut, on peut avoir du mal à aimer réellement. Impressionnant, sans l'ombre d'un doute ; mais bouleversant ? Moins que d'autres romans qui n'ont pas cette espèce de perfection formelle, mais dont on sent davantage la chair et la sueur (avis personnel et revendiqué comme tel). Le plus réussi dans Scintillation est la description du lieu de l'action, cet Intraville qui, comme l'Alphaville de Godard (sans lui ressembler du tout), pourrait préfigurer notre monde futur, avec son contrepoint, Extraville. Un décor en voie de pourrissement, qui ne corrompt pas que les paysages, mais aussi les âmes et les comportements. En donnant la parole à Leonard, dans de nombreux chapitres, Burnside joue le contrepied : dans cet univers putride et sordide, ce garçon de 15 ans apporte une innocence (relative), une envie de vivre et un humour décapant dans un récit qui, du coup perd de sa noirceur et se teinte de nuances nouvelles. Sans parler de son amour immodéré pour la littérature dans une société où la culture n'a plus guère droit de citer. Certains retiendront de Scintillation ses échappées oniriques et ses visions mystiques. C'est leur droit. Mais le livre ne pourrait-il pas, avant tout, représenter une sorte de manifeste écologique, un avertissement sans frais de ce que notre bonne vieille planète est en train de devenir ? Il y a presque autant de lectures possibles du roman que de lecteurs. Alors, autant s'arrêter là dans une tentative d'interprétation qui n'engage que celui qui la donne.