Il y a plusieurs façons d'écrire une biographie de Shakespeare :
1) Partir des documents et essayer de décrire la psychologie du Barde et là, c'est l'impasse. On sait qu'il est né en 1564 à Stratford-upon-Avon, a eu des parents, est allé à l'école mais pas à l'Université. On sait qu'il a un peu exercé le métier de gantier, comme papa, qu'il s'est marié à 18 ans avec une femme de 26 ans avec laquelle il a eu 3 enfants. On ne sait rien de lui entre 1582 et 1592, ce sont les "années perdues". On sait qu'il a rejoint Londres, abandonnant femme et enfants, est entré comme comédien dans des troupes parrainées par des membres de l'Aristocratie, qu'il a côtoyé Marlowe, Ben Johnson et autres dramaturges de l'époque. On sait aussi qu'il a écrit des Sonnets s'adressant à un jeune homme puis à une "Dame Brune" (mais Barbara n'était pas encore née), ce qui laisse entendre qu'il pût être bisexuel. On sait qu'il était admiré par Elisabeth I, puis par Jacques I (et VI, c'est compliqué), qu'il a fait bâtir le Globe. On sait qu'il a acheté des propriétés à Stratford, y est revenu sur le tard, y est mort en 1616 en déshéritant presqu'intégralement sa femme (ne lui laissant que son second lit).
2) La méthode Ackroyd : raconter tout ce qu'il y a çi dessus mais s'intéresser à la vie quotidienne de Londres à une époque où régnait une extrême misère, où une année sans épidémie de peste (obligeant les théâtres à fermer et les troupes à sillonner le pays dans l'espoir de trouver une ville où jouer) était une année fastueuse, où les catholiques étaient tenus de se faire discrets sous peine d'être torturés puis exécutés par les anglicans, où les poètes avaient la rapière facile (Marlowe tué dans une taverne).
Ackroyd essaye également d'expliquer comment Shakespeare écrivait ses pièces. Avant le Hamlet que l'on connait il y eut d'autres Hamlet (d'abord par d'autres auteurs, puis par Shakespeare lui-même) qui s'écrivaient et se corrigeaient au fur et à mesure des répétitions, puis des représentations, sachant qu'une intégrale de Hamlet dure 4h30. Il a donc fallu élaguer pour tenir compte de l'attention du public. D'autant qu'une représentation théâtrale elizabethaine tenait plus du concert de rock (on picolait, on forniquait dans les coins et la majorité du public était serrée comme sur la ligne 13 aux heures de pointe).
Je pourrais continuer comme-ça à argumenter pour vous donner envie de lire ce livre fabuleux mais je préfère m'arrêter là et vous dire de foncer l'acheter et le lire.