Paru en 2014, ce passionnant roman de Pierre Assouline remarquablement documenté sur un épisode pathétique de cette période noire de notre Histoire, nous fait revivre les huit mois où le gouvernement de Vichy et toute sa clique de collabos sont venus se réfugier au château et dans la ville de Sigmaringen, à travers l’œil du majordome général du château. Ce personnage, qui a vraiment existé mais que l'auteur a réinventé pour en faire le pivot de cette histoire, fait penser au majordome joué par Anthony Hopkins dans les Vestiges du jour, un homme intègre, fidèle à des valeurs et à ses maîtres, la famille princière Hohenzollern, obéissant jusqu'à l'absurde avec un sens du devoir de sa fonction inébranlable quelles que soient les circonstances, mais aussi ayant une part secrète et des convictions qu'il ne laisse jamais transparaître. C'est évidemment grâce à ce formidable personnage et celui d'une intendante française que le roman nous captive, tout en décrivant cette farce ubuesque peuplée de personnages pitoyables qui s'accrochent au semblant de pouvoir qu'il leur reste, sans oublier les français qui ont suivi cette fuite en avant et vivent en contrebas du château dans des conditions précaires, avec un certain docteur Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline, qui soigne les malades. Ce roman mêle habilement l'intime à la grande Histoire en nous faisant revivre cette ambiance de déroute allemande mais aussi d'une certaine France collaborationniste, vécue dans ce château grandiose hors du temps mais où l'étau se resserre peu à peu.