Deux bizarres scientifiques enquêteurs de l'étrange, dans un régal nécessaire.
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le 16 janv. 2013
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Imaginez que Jorge Luis Borges vous prenne par la main et qu’il vous emmène voir les tableaux de Jérôme Bosch de l’intérieur. Voilà ce que j’ai ressenti en lisant «Six photos noircies» de Jonathan **Wable, un roman publié en Mars 2013 aux Editions Attila.
Les deux protagonistes de Six photos noircies sont deux savants, un biologiste et un médecin, deux esprits rationnels passionnés d’exploration et de savoir. Leurs noms ont des consonances italiennes - Valente Pacciatore et Tirenzio Perochiosa- mais ce sont deux apatrides, d’origine allemande et suisse. Leurs vies sont mal connues et, comme elles, tout le roman va être enveloppé de voiles de mystères.
D’ailleurs, le livre débute ainsi : « On ne sait pas grand-chose des vies de Valente Pacciatore et Tirenzio Perochiosa. » Dès cette première phrase, on comprend qu’on va devoir faire fonctionner notre imagination.
Ces deux hommes, dont l’histoire nous est ici racontée bien des années plus tard, ont consacré leurs vies à l’étude de ce qui est appelé les zones les plus obscures de la nature humaine et animale ; dans quel but enquêtent-ils sur ces phénomènes obscurs, paranormaux ? Va-t-on le découvrir ? Pas sûr.
Ces quêtes – on peut même dire ces enquêtes car ils sont comme deux détectives qui chercheraient à résoudre des énigmes étranges – les entraînent dans les endroits les plus divers et parfois les plus reculés de notre planète, dans une période qu’on devine être au tournant du XXème siècle, quelque part entre 1880 et 1920.
Valente et Tirenzio adoptent tous les deux une approche scientifique, ils font des recherches, se documentent de façon très poussée, au cours de ces quêtes pour lesquelles ils prennent tous les risques pour leur santé ou même pour leur vie. Et, l’un deux, Valente, pour garder une trace de ce qu’il voit, prend toujours six photos de ses découvertes, uniquement six. C’est sans doute une contrainte technique de son appareil photo, mais là encore, on n’en est pas sûr.
Six photos noircies a la forme d’un roman-nouvelles ; avec vingt histoires dans des lieux autour du monde. Certains lieux sont facilement identifiables, Lisbonne, Manaus ou Lomé, mais la localisation d’autres endroits demeure mystérieuse. Valente et Tirenzio se rendent en ces lieux à cause des phénomènes étranges qui s’y déroulent, meurtres en série, disparitions, rumeurs. On va être confronté à des histoires de chimères, à des écureuils démoniaques, à une histoire de cape enchantée, à un conservateur de musée réducteur de tête, à un vers géant dévorant les femmes de l’intérieur, à une une inquiétante créature du fleuve, à des histoires légendaires, innommables ou poétiques, qui rappellent le chien des Baskerville ou la bête du Gévaudan.
A travers chacune de ces histoires, chaque lieu, un monde et un imaginaire nouveau se développe sous nos yeux. J’ai lu et relu Six photos noircies, et si on me demandait laquelle de ces vingt histoires je préfère, j’aurais beaucoup de mal à répondre car elles sont toutes fascinantes. Elles font ressentir le plaisir que peut procurer l’étrange ou même l’horreur.
Jonathan Wable n’a pas encore trente ans et pourtant son écriture montre une maîtrise impressionnante, tout en restant très sobre, son univers donne l’impression qu’il a vécu dans cette époque fascinante entre 1850 et 1920, qu’il a côtoyé Darwin, Mary Shelley, HG Wells, Jules Verne, et même Kafka, qu’il a connu la mode de la taxidermie et des chimères embaumées de la deuxième moitié du XIXème siècle. Et, enfin et surtout, il a un extraordinaire talent de conteur.
Bref, ce livre est une merveille.
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Créée
le 20 nov. 2012
Modifiée
le 5 avr. 2013
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