Voici typiquement le type de romans qu’il est difficile de juger d’un rapide coup d’œil. Mark Lawrence possède sa petite réputation dans le milieu de la fantasy, et semble plutôt apprécié bien qu’il ne fasse pas l’unanimité. Que vaut une saga dont l’intrigue, le setting et les critiques annoncent quelque chose de prometteur ?
Je me suis donc retrouvé immergé dans un univers sombre. Rien d’original en fantasy jusqu’alors, car même si le principe s’étend jusqu’aux enfants qui n’en sont pas épargnés, cela peut rappeler le Royaume-Uni où ils étaient pendus encore au 19e siècle. L’auteur s’est cependant consacré longuement à l’élaboration de son monde, si bien qu’il introduit déjà beaucoup de choses dès le premier tome. Contexte oblige, c’est bien l’institution religieuse que nous explorerons le plus, intimement liée à la politique quand le sécularisme n’est pas de vigueur !
C’est bel et bien ce contexte précis qui m’a attiré. Des bonnes sœurs formées en tant qu’assassins dans un couvent ! Bien sûr, la structure de cette « guilde » s’avère plus complexe que prévu. Beaucoup de temps est consacré à expliquer les différentes strates, les cours qui y sont dispensés, quelles sœurs dirige telle partie des lieux…
Nona est une héroïne à laquelle j’ai assez vite accroché. C’est toujours une décision risquée que de suivre un ou une protagoniste dans son enfance, mais ici, un excellent équilibre a été trouvé en terme de maturité et de « badassitude ». Nona est non seulement crédible, mais aussi très fouillée, sachant se défendre sans être invincible, sachant prendre des coups et se relever. Même sa backstory mélange à merveille les tragédies auxquelles on s’attend avec les péripéties plus originales (telles ses interactions avec le jeune jongleur et sa relation particulière avec sa mère : pour une fois, c’est bien elle qui a survécu et non son père).
J’émets plus de doutes sur les autres personnages. Certains disposent d’une aura charismatique, à l’instar des nombreuses sœurs officiant au titre de professeures, mais je trouvais que les amies de Nona manquaient de profondeur et ne servaient qu’à l’accompagner dans sa quête. Même parmi les deux antagonistes, si Yicht est une guerrière terrifiante aux motivations sibyllines, le Tacsis est un méchant dépourvu de profondeur et de subtilité.
De manière générale, Mark Lawrence possède un style très descriptif, non sans lyrisme. Cette partie risque de diviser lectrices et lecteurs : pour ma part, il s’agit typiquement du type de plumes que je recherche dans le genre. Intensité est atteinte au cours des phases d’action qui se multiplient surtout vers la fin. En d’autres circonstances, les phrases longues sont surtout privilégiées, avec une judicieuse loupe pointant vers les détails nécessaires à la construction de l’univers.
Mais ce choix de narration en pâtit sur le rythme. Le récit est en effet d’une certaine lenteur, et de surcroît focalisé sur l’étape de l’enseignement. Une porte d’entrée tout à fait bienvenue, accrocheuse même, toutefois cela implique de rendre l’histoire « incomplète ». Ce premier tome ressemble à une longue introduction, et à cause de cela, je ne pourrais la juger complètement qu’au moment où je l’aurai lu dans son entièreté. Ce que, bien sûr, je ferai !