Je croyais que Sofia Muratore serait un énième double de Effy Stonem, personnage dépressif de la série Skins, celle qui nous fait rêver par son désespoir quand on est dans la peau d'une adolescente triste et incomprise, puis qui nous dégoûte quelques années plus tard par son manque cruel de profondeur.
Il s'est avéré que Sofia est unique, elle frôle si souvent le fond, l'obscur et la mort qu'elle en devient vraie, on la croit, on ne la plaint plus, on l'accompagne. On se débarrasse enfin des longs discours sur les traumatismes pour observer quelqu'un parler de façon juste des aspects sombres de la vie, sans même prononcer un mot à ce propos. Ils sont présents tout le long du livre ces traumas, elle fuit face au conflit, elle ressent le besoin de changer de contexte quand celui-ci devient familier, elle souffre quand on l'abandonne et pourtant elle rejette sans aucune preuve d'empathie, comme si elle ne laissait à personne l'occasion de la comprendre, elle n'a besoin de personne, et elle n'attend plus qu'on la sauve.
C'est pour ça qu'elle ressemble plus à Holly Golightly qu'à Effy Stonem. Elle n'est absolument pas pathétique, c'est une femme brisée dans une armure d'étain. Et qui réussira toujours à prendre place au milieu d'une foule, à fasciner sa cour et à fuir avant qu'on ne la connaisse trop, en constant combat avec sa peur ultime, celle d'être seule.
"A l'heure qu'il est, Sofia Muratore était sans doute devenue l'obsession d'un autre."