Avec ce bel opuscule Sylvie Augereau (vigneronne en Loire et instigatrice du beau salon la Dive Bouteille) et Antoine Gerbelle (ancien journaliste à la Revue du Vin de France) livrent leur plaisir de boire ces vins si étonnants que sont les vins naturels.
Le livre est une invitation à découvrir des vignerons d'exceptions qui partagent ce goût pour des vins pures, frais, digestes et sans aucune chimie, ou très peu. Point ici de rapport œnologique détaillé mais seulement des impressions, des ressentis et des histoires sur les vins et leurs créateurs.
Et vous me direz : quoi qu'est-ce que les vins naturels ?
Ce sont des vins que l'on dit "libres". Libre de quoi ? De la chimie et des pesticides, mais aussi des rendements et de l’agression de la vigne. En France, pays vinicole par excellence, le secteur du vin est un des plus consommateurs de saloperies : la vigne reçoit 50% des traitements agricoles alors qu'elle occupe 2,8% des surfaces cultivées. Le vigneron nature est donc un militant du bio, mais pas du bio pour faire joli sur l'étiquette, du bio parce que c'est comme ça que c'est bon !
Prenons par exemple le cas des levures, ces magnifiques petits champignons qui provoquent la fermentation du vin, la transformation du sucre des raisins en alcool. On retrouve les levures dans la fermentation de notre pain (qui subit d'ailleurs le même phénomène de standardisation). Et bien les laboratoires proposent de vous en vendre en poudre dans des sachets pour booster la fermentation. Mais pas seulement pour cela : ils y mettent aussi des formules particulières pour donner le goût que vous désirez ! Le beaujolais nouveau au goût de banane ? C'est eux. Vous voulez un nez de chardonnay (définit par qui d'ailleurs ?), c'est eux. Une déviance dans votre vin ? Hop, deux ou trois coups de sulfite (un antioxydant qui stabilise le vin) bien appuyé et le tour est joué. C'est encore eux !
La standardisation du goût, cette plaie qui appauvrie notre pluralité gustative, qui détruit des cépages anciens au nom de la rentabilité, fonctionne à fond dans le domaine du vin. Les vins de Bordeaux en sont un bon exemple, dans les années 90 la mode du boisé et du vanillé à outrance a été porté par une armée d’œnologues conseils. Le phénomène a envahi les chais bordelais et perdure encore de nos jours.
Heureusement quelques uns se révulsent de cet appauvrissement et trace un nouveau chemin. Il est intéressant de constater que sous le couvert de l'ouverture et de la tolérance, la logique du capital ne fait en fait que détruire la diversité. Dans le cas présent il ne doit subsister qu'un seul et unique type de goût : celui prôné par la loi aveugle du profit. Comprenez bien qu'avec ce goût là vous vendrez mieux vos vins cher ami, c'est le goût que désir ardemment les consommateurs cher ami.
Plus que dans aucune autre bouteille, il y a du jus dans les vins naturels. Sous le bouchon, la vie, préservée d'une pharmacopée œnologique castratrice. Et dans la bouteille, une âme révélée par des passeurs qui ont fait des petits jusqu'à ne plus pouvoir les compter aujourd'hui.
Donc on trouve du bio, de la biodynamie et des vins natures. Tous les vins natures sont bios mais tous les vins bios ne sont pas forcément naturels. Il ne suffit pas de remplir un cahier des charges provenant de l'Union Européenne (j'y mets des majuscules pour en faire une chose que l'on puisse tuer) pour se dire vigneron du nature. D'ailleurs les vignerons eux-mêmes affichent peu ce genre d'étiquette, ils sont plutôt humbles et disent juste faire du vin comme on le faisait autrefois. Ce qui est à la fois vrai et faux. La biodynamie (sorte de super-bio) apporte une philosophie et des préparations ou la science joue un rôle, car il faut bien analyser les vins, y voir la vie qui s'y développe. C'est un apport proche de l'homéopathie pour être précis, des sortes de tisanes faites pour les vignes et pour régénérer des sols qui furent autrefois en perdition, tués par la chimie moderne.
Parmi les instigateurs connus de ce mouvement on trouve entre autre Marcel Lapierre dans le Beaujolais, Pierre Overnoy dans le Jura, Guy Bossard dans le Muscadet, etc... Tous ont été marqué par le travail de Jules Chauvet, œnologue-négociant-éleveur de vin dans le Beaujolais qui possédait de sérieuse base en chimie.
Ce qu'il y a de mieux encore pour se rendre compte du travail énorme abattu par ces hommes c'est de goûter leurs vins !
Soif d'aujourd'hui donne des bonnes idées avec les figures de proues du secteur. Mais pas qu'eux ! Ainsi vous pourrez déguster les merveilles alsaciennes d'un Christian Binner avec ses pinots noirs aériens taillés pour des belles gardes. Les crus gouleyants et croquants du domaine Joseph Chamonard dans le Beaujolais (à Morgon et Fleurie) où vit ce gamay qui a si mauvaise presse. Ahah ! Ceux qui sont encore pris dans ce cliché du cubi de beaujolais n'ont jamais bu les vins des vignerons présentés dans l'ouvrage c'est certain ! Les superbes Mâcon de Philippe Valette vous en feront voir de toutes les couleurs tant ils brillent de tensions et d'épices en tout genre. Et que dire des jus fruités et doux du domaine Arena en Corse ?
Bref il y'en a pour tout le monde et à tous les prix. J'ajouterai pour ma part Fabien Jouves du Mas Del Périé à Cahors qui n'est curieusement pas cité dans l'ouvrage.
Voilà un beau livre pour découvrir ou confirmer ses connaissances sur le vin naturel. Les domaines ont tous leurs singularités et la majorité sont désormais renommés dans le monde du vin.
La fin de l'ouvrage présente des adresses utiles, supermarchés avec une sélections soignées, cavistes engagés et autres joyeuses adresses propres à fêter Bacchus et Dionysos !
Pour les plus intéressés qui veulent participer au développement buvable venez donc piocher par ici :
La Cave des Papilles / VinChezNous / CavePurJus
Allez à table, j'ai soif !
Le vin donne des ailes à ceux qui sont atteints de mélancolie ; le vin est un grain de beauté sur la joue de l’intelligence. Omar Khayyam