Soleils noirs par EncoreDuNoirYan
Au début des années 1980, entre deux cuites à « La maison des souffrances », leur bar de ralliement, les flics de la Rampart division sillonnent les rues du quartier pour, faute de maintenir l’ordre, au moins limiter le désordre. Ce n’est pas toujours facile dans une ville peuplée d’un nombre assez imposant de tarés dont une bonne partie est d’ailleurs constituée de policiers, à l’image de l’immense Tchèque habité par une envie tenace d’exécuter les suspects ou de Hans, le policier de la brigade canine victime de mimétisme et qui devient, à l’image de son fidèle rottweiler Ludwig, éjaculateur précoce. Et pendant ce temps, même si l’époque se veut être celle de la Détente, l’inspecteur Mario Villalobos, d’origine galloise, traque le tueur d’une prostituée dont il soupçonne qu’il pourrait être un espion russe.
C’est donc à du Wambaugh pur jus que l’on a droit dans Soleils noirs. À savoir des anecdotes du quotidien des flic du LAPD, sortes de créatures issues de quelque mythologie païenne, dont les histoires tragiques ou comiques relèvent de la chanson de geste loufoque, qui viennent se greffer habilement sur un fil conducteur constitué par une enquête qui tranche quelque peu avec la routine – pour peu que l’on puisse vraiment parler de routine.
Tentatives d’assassinats sur des suspects, repas à l’œil dans les restos du coin, poursuites épiques, massages cardiaques mortels, mais aussi misogynie, alcoolisme, dépressions et horreur au quotidien se succèdent donc tout au longs de 250 pages sans rupture de rythme. C’est que Wambaugh sait manier l’humour noir comme personne et est un excellent conteur. Et s’il éprouve de toute évidence de l’empathie pour les flics qu’il décrit, il n’élude pas la bêtise crasse d’une grande partie de ces personnages qui ne se différencient souvent des délinquants bas du front qu’ils pourchassent que par le fait qu’ils portent un uniforme.
Enlevé, trépidant, parfois dur et souvent hilarant, Soleils noirs n’a pas vieilli et apparaît sans doute – car je n’ai pas tout lu de lui – comme l’un des meilleurs romans de Wambaugh.