Le regain d’intérêt que les récits post-apocalyptiques suscitent parmi les éditeurs généralistes peut se lire comme l’indice de la qualité croissante du genre depuis la Route de McCarthy, comme le signe d’une reconnaissance d’un rayon négligé de la littérature, comme l’expression plus générale d’angoisses contemporaines face à une fin que nous sentirions imminente ou encore comme le symptôme de l’exploitation d’une mode. Il y a sans doute un peu de tout cela.
Dans Solène, le caractère post-apocalyptique du roman semble avant tout le prétexte pour des explorations / évocations qui se veulent poétiques mais se révèlent plutôt chiantes, et pas seulement parce que l’univers du roman a un air de déjà vu : sans même parler de la tentation du renoncement qui gagne certains personnages – cf. la mère dans la Route –, ni des créatures mutantes qui cernent progressivement l’héroïne – cf. Niourk –, tout personnage important de récit post-apocalyptique important se pose la même question que la narratrice, petite fille vaguement télépathe dont le prénom donne son titre au livre, « quel jeu nous faudrait-il inventer pour être vraiment sauvés ? » (p. 26).
Pour le reste, sans être mauvais ni tout à fait pénible, Solène n’est pas particulièrement passionnant à lire, malgré le compte à rebours – et donc le caractère initiatique – impliqué par la décrépitude progressive à laquelle est en proie la région lyonnaise du futur qui fournit le cadre du roman. Cela vient en partie de l’absence de résistance que les mots opposent au lecteur. Oui, le prénom de la narratrice vient du fait qu’elle est de plus en plus seule. Oui, si « notre maison [celle de la famille de Solène] se nomme Les Lisières » (p. 12), c’est parce qu’il s’agira ici d’explorer des limites. À qui aura échappé la symbolique ?
En fait, Solène ressemble un peu à ces films d’auteur français dont l’idée de départ est plutôt bonne – voire excellente –, mais pas assez forte ou pas exploitée suffisamment en profondeur, ou n’évolue jamais, d’autant que l’auteur a parfois tendance à compter sur sa façon de filmer ou d’écrire en se disant que la technique suffira bien. De même que certains films de cent minutes gagneraient à devenir des courts métrages, on se retrouve ici avec une très bonne nouvelle de trente ou quarante pages inutilement délayée sur cent vingt.