Thomas se meurt. Son frère Lucas, le narrateur, se tient à ses côtés au cours des derniers mois de sa maladie du sang. D'abord à l'hôpital puis dans la maison familiale de l'île de Ré, Thomas ne souhaite que la compagnie de Lucas pour l'accompagner dans sa lente déchéance qui lui paraît inéluctable. Le titre de ce court et intense roman est plein de justesse puisqu'il illustre de façon froide, extérieure, un peu désincarnée, la place des deux frères au centre du roman, les liant à jamais l'un à l'autre malgré le mal implacable qui les séparera physiquement.
C'est fou comme j'aime les mots de Philippe Besson. J'aime leur poésie rude, empreinte de tristesse et de douleur. Ils tergiversent peu, vont droit au but, ne cachent rien de l'indicible. Les examens médicaux humiliants et douloureux, la déchéance physique due à la médication, l'attente interminable dans l'ignorance, l'indélicatesse du corps médical et de la famille ... rien n'est épargné à Thomas et, par ricochet, à Lucas et donc au lecteur. Pourtant, est-ce une mélancolie morbide de ma part qui en est la cause ?, il y a quelque chose de confortable dans la manière de l'écrivain d'exprimer toute l'horreur de la situation, en l'enveloppant d'une douillette mélancolie, d'un drap de langueur à l'image des toutes premières phrases du roman (citation ci-dessous).
Le tout relatif rebondissement du vieux monsieur bavard sur le banc, "déchiré de rides, et lui aussi d'une maigreur effrayante", donne un supplément d'âme, s'il en fallait, au récit et donc au petit bijou de littérature qu'est Son frère.