Son héroïne
7.4
Son héroïne

livre de Séverine Vidal (2020)

Ne vous laissez pas berner par son petit 6o pages tout mouillé, ce membre de la fratrie "Court toujours" des éditons Nathan est du genre "percutant", c'est le moins qu'on puisse dire.


Quand Jessica se fait sauver la mise par Rosalie, alors qu'un homme trop entreprenant aux mains baladeuses l’importunait dans le metro, elle ne se doute pas de ce qu,elle vient de déclencher chez cette femme en apparence ordinaire. Un irrépressible et insensé besoin de la sauver...mais la sauver...de quoi?


Ce qu'on pourrait prendre pour un simple "Syndrome du sauveur", trouve des racines dans un état d'esprit plus complexe. S,il est indéniable que ce syndrome est bien là, parce que Rosalie éprouve ce besoin presque compulsif de "sauver" Jessica, qu'elle ne connait d'ailleurs pas, elle a en autre des comportements qui rentrent dans une forme de harcèlement. Et pourtant, ce n'est pas tout.


La manipulation est insidieuse, c,est qu'illustre Rosalie, qui tente de convertir Jessica à sa vision des choses. Dans son esprit, Jessica est en danger, elle a besoin d'être sauvée et à partir de ce moment, elle est prête aux manœuvres les plus ridicules pour parvenir à retenir Jessica dans sa vie.


Besoin réel d'avoir une amie, désir inavoué de réparer ses torts face au décès dont elle est responsable, conséquence d'un esprit malade qui navigue dans une réalité alternative, forme grave de mythomanie? Difficile de savoir ce qui motive réellement Rosalie, mais une chose est sure, cette personne a besoin d'aide. C'est d'ailleurs un peu l'ironie de la fin: la sauveuse qui est en fait la personne en détresse. Et on l'aura lu, comment parvenir à discerner le vrai du faux avec une personne aussi habile avec le mensonge et qui croit fermement à ses propres mensonges? Néanmoins, il y a quand même une chose qui me turlupine après ma lecture: le nombre effarant de problèmes dans le cas de Rosalie. La dépendance affective, la recherche d'attention et une certaine tendance à la mythomanie ne sont pas à proprement parler des symptômes "maladies mentales", mais la traduction d'un désordre émotif important, peut-être même une "Trouble de personnalité" quelconque. En ce sens, je trouve que c'était bien suffisant pour ce personnage. Mais on apprend au final que Rosalie vivait avec une forme de maladie mentale avant même le drame qui l'a fait sombrer. Ce qui explique qu'elle croit à ses propres mensonges ( surtout sa relation fictive avec Armand) et opère une forme de dissociation avec la réalité. Je trouve que c'est de surenchérir sur un état déjà problématique et ce qui est un peu navrant parce que ça donne l'impression que tout son délire est basés strictement sur cette maladie et fait perdre l'impact du drame qui a joué sur sa vie. Autrement dit: drame ou non, Rosalie est "folle". Je pense que ç’aurait été intéressant de rester au simple désordre relationnel et émotionnel sans en plus y mêler la maladie mentale. Ça fait beaucoup.


Admirez aussi le jeu de mot du titre: 'héroïne" dans , le sens "sauveuses", "Héroïne" dans le sens "drogue" associé au mot "dépendance". Parce que la dépendance affective ( ou à tout le moins "relationnelle")est aussi au cœur du problème, je pense. Rosalie avait "besoin" de Jessica. À tout prix.


Un récit à deux voix addictif sur la santé mentale, les relations malsaines et la détresse psychologique qui fini en crescendo, qui vous laissera certainement un petit frisson désagréable dans le dos.


Pour un lectorat Jeune Adulte, mais qui peut plaire et convenir aussi aux ados.

Shaynning

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