Stardust
7.5
Stardust

livre de Nina Allan ()

Nina Allan invite le lecteur dans sa machine à explorer la fiction

«Pour moi, Stardust est plus un roman fracturé qu’un recueil – songez à une coupe en terre cuite qui s’est fracassée sur le sol et qu’on reconstitue, tesson par tesson. Il faut examiner tous les morceaux pour voir lequel va avec l’autre, et il y a toujours un minuscule fragment qui manque, un espace qui ne peut être comblé que par l’imagination.» ("La genèse de Stardust" par Nina Allan, en postface)

Les six nouvelles et le poème qui composent «Stardust, Légendes de Ruby Castle» (2013), traduit de l’anglais par Bernard Sigaud pour Tristram (2015) peuvent effectivement se lire de façon indépendante ou liée, comme dans «Complications». Mais Nina Allan, encore plus impressionnante, englobe ici des registres et territoires beaucoup plus vastes.

Trait d’union annoncé, Ruby Castle, actrice de cinéma mystérieuse ayant joué dans des films d’épouvante, est un fil ténu, apparaissant dans les éclats de ce roman fracturé : actrice de films d’épouvante qui fascine Michael, un adolescent passionné d’échecs le jour de sa première défaite majeure dans un tournoi (Face B), artiste dans une caravane de forains, le jour où ils ramassent une femme sortie de nulle part, sauvage et menaçante, au bord de l’autoroute (Le Ver du Lammas), sujet du poème «Reine rouge» qui conclut ce recueil… ces apparitions de biais éclairent d’une seconde lumière les possibilités et la puissance de la fiction de Nina Allan, en nous invitant à changer de perspective.

Les nouvelles les plus longues, "La porte de l’avenir", "Poussière d’étoiles" et "Le naufrage du Julia" sont d’authentiques chefs d’œuvre. "La porte de l’avenir" est le récit complexe et poignant des retrouvailles d’Andrew avec son vieil ami allemand Thomas Emmerich, perdu de vue depuis la guerre après le drame de la disparition de Claudia qu’il accompagnait dans une fête foraine. Cette histoire s’entremêle avec celle des frères Gelb, inventeurs de labyrinthes fascinants au XIXème siècle. "Poussière d’étoiles" revient sur deux événements concomitants en Juillet 2029, le décollage de la première fusée russe propulsée par un moteur à fusion thermonucléaire et un drame familial qui fait écho au film avec Ruby Castle diffusé ce jour-là. À la croisée de l’histoire d’amour, du drame psychologique et du film d’horreur, "Le naufrage de Julia" est un sommet de l’art de Nina Allan pour entremêler et transcender les genres.

Les signes pullulent, avec d'innombrables résonances entre les nouvelles, autour du cirque et de la fête foraine, des ombres toujours menaçantes du nazisme et de la guerre froide, des disparitions et retrouvailles fugaces, et du passage paradoxal du temps. Nina Allan réussit ainsi à créer un labyrinthe, dans ces récits d’une beauté subtile et inquiétante où le monde semble se déchirer par endroits pour laisser la place à une obscurité impénétrable.
MarianneL
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 20 mars 2015

Critique lue 344 fois

3 j'aime

MarianneL

Écrit par

Critique lue 344 fois

3

D'autres avis sur Stardust

Stardust
EmmanuelLorenzi
9

Etrange et envoutant

Etoile montante de la littérature britannique, Nina Allan est en réalité une écrivaine à la carrière déjà bien remplie puisque son oeuvre est riche de cinq romans et de plusieurs recueils de...

le 8 sept. 2020

2 j'aime

5

Stardust
rmd
8

Critique de Stardust par rmd

Un jeune prodige des échecs qui subit sa première défaite dans un tournoi local. Une jeune fille étrange qui embarque dans un cirque, se marie avec un nain et devient une écuyère incroyablement...

Par

le 10 mars 2015

2 j'aime

Stardust
Egoiste
1

Indigeste

Certes, le style est parfois sympa (descriptions très organiques par les 5 sens de certaines scènes ou personnages) mais la construction de chaque nouvelle avec la même recette épuise, surtout que...

le 26 oct. 2017

Du même critique

La Culture du narcissisme
MarianneL
8

Critique de La Culture du narcissisme par MarianneL

Publié initialement en 1979, cet essai passionnant de Christopher Lasch n’est pas du tout une analyse de plus de l’égocentrisme ou de l’égoïsme, mais une étude de la façon dont l’évolution de la...

le 29 déc. 2013

36 j'aime

4

La Fin de l'homme rouge
MarianneL
9

Illusions et désenchantement : L'exil intérieur des Russes après la chute de l'Union Soviétique.

«Quand Gorbatchev est arrivé au pouvoir, nous étions tous fous de joie. On vivait dans des rêves, des illusions. On vidait nos cœurs dans nos cuisines. On voulait une nouvelle Russie… Au bout de...

le 7 déc. 2013

35 j'aime

Culture de masse ou culture populaire ?
MarianneL
8

Un essai court et nécessaire d’un observateur particulièrement lucide des évolutions du capitalisme

«Aujourd’hui il ne suffit plus de transformer le monde ; avant tout il faut le préserver. Ensuite, nous pourrons le transformer, beaucoup, et même d’une façon révolutionnaire. Mais avant tout, nous...

le 24 mai 2013

32 j'aime

4