Avec un sujet comme la prise d’otages de Stockholm de fin août 1973 – celle qui a donné lieu à l’expression syndrome de Stockholm, c’est ça –, difficile de faire un mauvais texte. En l’occurrence, Stockholm 73, article d’une centaine de pages publié dans The New Yorker en 1974, n’est pas mauvais.
Le récit ne s’écarte de l’ordre chronologique que pour s’appuyer de temps en temps sur le contenu des différents entretiens que Daniel Lang a eus avec les principaux protagonistes de la prise d’otages, et avec l’un des psychiatres qui ont assuré le suivi des victimes. Assez étrangement, le caractère très factuel du texte met en lumière l’ancrage très seventies de cette prise d’otages : on finit par voir les pattes d’èph’, les tuniques et les rouflaquettes, alors qu’il n’en est mention nulle part dans le texte… (Mais peut-être que les films de braquages dont l’intrigue se passe à cette époque que j’ai vus a joué dans ma perception.)
L’auteur s’efforce de rester subjectif, même si sa fascination pour son sujet ne cesse de poindre tout au long de l’article. En même temps, difficile de faire autrement… Au moins Daniel Lang se garde-t-il de toute glorification – qu’elle porte sur les victimes, sur les coupables ou sur lui-même. Mais tout se passe comme si l’auteur n’avait rien voulu mettre en relief, et surtout pas les quelques notations générales auxquelles ce travail journalistique donne lieu, à l’image de cette remarque : « la chose la plus importante à retenir, c’était qu’il n’existe aucune recette miracle pour sauver des otages » (p. 103) formulée par un enquêteur « avec un sourire las ».
C’est la contrepartie de l’angle d’attaque neutre choisi par l’auteur : il noie les véritables lignes de force de l’événement et les détails alimentaires dans le même fil des heures. Il faut ainsi attendre les deux dernières pages de l’article pour trouver l’idée que « si […] les victimes pouvaient s’identifier à leurs ravisseurs, l’inverse se révélait tout aussi vrai » (p. 108-109).