Submarino est une immersion intense dans les bas-fonds de Copenhague, capitale de ce pays « le plus heureux du monde », le Danemark. Jonas T. Bengtsson met à mal cette image de bisounours. En dévoilant l’envers du décor, l’écrivain raconte une histoire poignante, celle d’une spirale infernale dans laquelle semble bloquée la vie de deux frères.
Nick et son frère, qui restera anonyme durant tout le livre, ont grandi sans éducation dans la misère. Leur mère, alcoolique, avait la fâcheuse manie de partir pendant des jours et de les laisser seuls à leur sort. De la même façon que le début de l’Étranger de Camus avec son magistral
"Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas." , Submarino commence par cette phrase percutante qui donne de suite le ton du livre "Quand nous nous sommes réveillés ce matin, il ne bougeait plus."
Celui qui ne bougeait plus est un nourrisson, le troisième de la fratrie. Ce traumatisme sera finalement le lien le plus fort que partage les deux frères.
Le livre se divise en deux parties. Une première où le narrateur est Nick, vivant dans un foyer, squattant une salle de sport la journée, se soulant à la bière et incapable de canaliser la violence sourde qui l’habite. Pour la seconde partie, changement de point de vue, le frère anonyme devient narrateur. Toxicomane, il élève seul son fils Martin après que se femme se soit fait écrasée par une voiture. On croise Nick de temps en temps, trainant sa large carcasse bodybuildé abimée par un régime à base de bières et de shawarma.
Violence, drogue, alcool, sexe, les frangins ne parviennent pas à exorciser leurs démons. Combattant chacun les leurs, celui de leur petit frère mort dans son berceau hante leurs cauchemars. Ce voyage au bout de l’enfer met en exergue la détresse humaine sans chercher pour autant excuser le comportement des deux personnages principaux. L’auteur ne s’attaque pas à la société en posant une question du genre pourquoi mon pays laisse une telle misère exister ? Bengtsson raconte une histoire mettant les personnages faces à leurs responsabilités.
Submarino est brutal. La capacité de l’auteur à donner corps à toute cette violence est époustouflante grâce à un style direct qui ne fait pas dans la demi-mesure. La force dramatique de l’œuvre ainsi que son potentiel cinématographique n’ont d’ailleurs pas échappé à Thomas Vinterberg, natif de Copenhague, qui l’adapta au cinéma 3 ans après la sortie du livre.