L’histoire, présentée sous la forme d’un journal, débute dans un quartier d’Oran en Algérie. Le navire du jeune marin Pierre Loti fait relâche dans un port non loin de la ville. A terre, Pierre fait la connaissance d’un autochtone, pauvre vendeur à la sauvette, accompagné de sa fillette de six ans à laquelle le marin donne des morceaux de sucre comme on nourrirait un jeune singe pour s’amuser. Quelques heures plus tard, dans un djebel avoisinant, il ramasse une tortue terrestre à laquelle il décide de donner le prénom de la petite fille : Suleïma.
Dix ans plus tard, le marin est de retour à Oran. Par hasard il tombe nez à nez avec la fillette qui a grandi. Comme son père jadis, elle est vendeuse sur la voie publique : ses charmes sont sa seule marchandise. D’abord réticent, retenu par la pudeur et ses souvenirs de l’enfant, il finit pourtant par succomber à l’irrésistible beauté de Suleïma.
La troisième rencontre est la dernière : deux ans plus tard, Suleïma comparait au tribunal d’Alger pour avoir empoisonné ses trois époux successifs.
L’auteur enrobe cette histoire de nombreuses sensations. Son amour pour l’orient et son exotisme – au point de reconstituer chez lui, à Rochefort, une chambre turque. Cet orient qui l’appelle, l’accapare et l’entraine loin de son pays, de sa ville, des siens – dont sa mère – qu’il a le sentiment d’abandonner à chaque nouveau départ, sans savoir s’ils seront toujours là à son retour.
Il oppose les mœurs régulières de Suleïma la tortue (qu’il a rapporté chez lui) à celles plus dissolues de Suleïma la jeune femme. Il s’enivre du parfum de la belle, du parfum des buissons et des fleurs du Maghreb. De la lumière vive, du bleu du ciel algérien, du rose du sable et du rouge sombre du henné comparés aux verts et aux gris de sa campagne charentaise.
Une nouvelle qui se respire et se contemple tout aussi bien qu’elle se lit.