On va partir du passage le plus lénifiant de la préface bourrée de naïveté narcissique de Laurence Kiberlain (la sœur de l’autre ?) : « Chez moi, comme pour la plupart d’entre nous, c’est la fac, Erasmus, le métro, les stages, les horaires, un quotidien très organisé » (p. 6). Je laisse le lecteur savourer ce nous
C’est fait ? Bon, je ne pense pas trahir la pensée de la préfacière en traduisant ainsi : le mode de vie de la famille d’Alain Laboile est profondément exotique. J’admets bien volontiers que cet exotisme fasse partie intégrante de l’œuvre, qu’il participe à sa qualité et à sa singularité, mais je serais aussi très curieux de connaître l’avis que portent sur elle des personnes qui ont (éventuellement toujours) pratiqué et pratiquent (éventuellement toujours) ce mode de vie.
Cela dit sans aucune malveillance : pour avoir côtoyé des enfants qui passaient leurs dimanches à fabriquer des arcs et des cabanes et leurs vacances d’été à courir les bois, je peux certifier que ce genre d’éducation en vaut bien une autre et ne produit pas nécessairement des freaks sociaux tel que le fils aîné de Captain Fantastic. (Le fait qu’une société ne saurait être constituée uniquement de plasticiens et de photographes amène d’autres discussions qui dépassent le cadre de cette critique.)
J’en viens tout de même aux photos, car Summer of the Fawn – pourquoi pas « l’Été du faon », d’ailleurs ? – est un livre de photos. Là encore il me semble que la difficulté d’un spectateur lambda à y distinguer ce qui relève du domaine esthétique / artistique d’une part, du domaine affectif / familial de l’autre est une « grille de lecture » incontournable et probablement inépuisable. (La plupart des photographies traduisent cette tension, bien sûr, mais enfin elle est moins forte sur la photo que ma grand-mère a prise de mes cousins et moi à six ans ou dans les planches de Hans Eijkelboom, par exemple.)
Il me semble encore que c’est ce qui fait le principal intérêt de Summer of the Fawn – qui rencontre par ailleurs le même problème que beaucoup de livres de petit format quand on fait tenir une photo sur une double page – putain de reliure ! Pour ceux qui ne voudraient pas cracher le prix de cinq kebabs-frites pour un bouquin de cent pages, Alain Laboile présente beaucoup de ses photos sur internet, et elles sont du même acabit. Désolé pour l’aspect parfois pontifiant de cette critique, sauf à la fin, mais il m’arrive de pontifier quand je suis démuni.

Alcofribas
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le 15 août 2019

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