Une idée de départ plus qu’intéressante : une biographie sur la fille de Staline, là il va y avoir du lourd !
Un destin hors norme (en tant que fille de Staline) pour une femme qui s’avère en somme très normale pour ne pas dire quelconque en tout cas d’une grande banalité, et pas spécialement intéressante ni sympathique ; et surtout d’une grande instabilité tant sur un plan sentimental (3 ou 4 mariages on ne sait plus trop) que sur un plan professionnel où elle tente d’entamer une carrière dans la littérature (mais elle n’a pas nécessairement le talent pour) sans compter le nombre de fois où elle a déménagé dès qu’elle a pu quitter l’URSS (sans cesse en fait entre l’URSS, l’Inde, l’Italie, les USA, retour en Russie et encore les USA...sans jamais être satisfaite de l’endroit où elle se trouvait).
Une instabilité chronique, y compris dans son caractère, de quelqu’un qui en somme voulait les avantages de la célébrité, de la belle vie sans les inconvénients, quelqu’un qui voulait une vie facile sans les contraintes d’être trop (re)connu, quelqu’un qui a profité du système que procurait le fait d’être la fille du « maître du Kremlin » mais qui a fini par renier sa patrie quand le vent a tourné (de toute façon la politique ne l’a jamais intéressée)...pour finalement y revenir. Svetlana apparaît comme une « suiveuse » et une opportuniste ; elle renie finalement le stalinisme...une fois la déstalinisation bien avancée. Une personne qui donne l’impression de ne jamais avoir eu d’avis tranché sur quoi ce soit.
Et tout cela au final est assez pathétique
Bien sûr le fardeau était (trop) lourd à porter, d’où des envies de fuite éperdue, d’émancipation, de liberté.
Même si elle a des circonstances plus qu’atténuantes elle ne dégage aucune sympathie ni dans sa vie, ni dans ses opinions ni dans ses actions. D’où la difficulté d’avoir de la compassion pour Svetlana, de s’émouvoir pour l’ex diva.
Du haut de sa tour d’ivoire (le Kremlin) ou de sa « prison » dorée (sa datcha) elle ne voit rien du régime et s’ennuie profondément ; elle ne côtoie que des dirigeants et des personnes hautes placés dans la hiérarchie stalinienne.
Mais même si elle est trop jeune pour bien tout comprendre cela l’a forcément marquée, elle voit bien que ses parents, son mode de vie...sont différents.
Mais dans quelle proportion cette période a t-elle marqué Svetlana, impossible à dire et là le livre déçoit car il ne donne que des pistes rapides (instabilité, fuite, « apolitisme », opportunisme, émancipation impossible…). C.C Kiejman se contente d’énumérer une suite de faits sans vraiment analyser en détail.
Bien sûr elle évoque un papa « prévenant » et « aimant » certes, mais on n’apprend pas grand-chose d’inédit sur les purges par exemple et la fille n’a pas l’air d’y être très sensible.
Elle côtoie bien des pontes de la vieille garde en disgrâce (Boukharine) mais aussi les nouveaux chiens de la garde rapprochés du dictateur (Béria, Molotov) mais ce n’est encore qu’une enfant et les apparatchiks ne l’intéressent guère.
Juste quelques détails sur la mort de sa mère (mystérieuse ? Pas sûr mais avec Staline on ne sait jamais) sont évoqués mais elle reste hermétique aux arcanes du pouvoir et vit dans sa bulle, tout juste s’étonne t-elle de ne plus voir Boukharine, un des héros de la Révolution, victime des purges de 1937.
Evidemment on a quelques informations ici ou là sur quelques hommes forts du pouvoir, les purges, les années de guerre, la haine de Staline pour les juifs et les intellectuels, les morts « suspects » qui se multiplient..mais ça reste un peu léger.
Et au final on apprend pas grand-chose de nouveau sur Staline (à lire plutôt l’excellent « Staline » de Souvarine qui décortique le mythe et les méthodes du dictateur) sauf pour qui découvre entièrement le tyran et sera estomaqué que les purges n’épargnaient ni l’entourage proche de Staline ni même sa propre famille.
Ses rapports avec son père sont ambigus, ce qui est compréhensible mais ce livre n’apporte pas réellement de réponses sur ses pensées réelles (sauf toujours cette envie de s’évader, de fuir).
Un livre qui aurait pu être intéressant à condition que le personnage central de l’ouvrage le soit et ce n’est malheureusement pas le cas, notamment sur ces années d’errances aux USA plutôt ennuyeuses. Elle cherche bien à s’émanciper du fardeau et à trouver sa voie mais en vain. On compatit un peu – il y a bien un côté triste et presque tragique, je ne le nie pas - mais on n’adhère pas totalement à son parcours chaotique. Et malheureusement Svetlana fait tout pour nous laisser indifférent à son sort.
Et un peu superficiel pour qui connaît déjà Staline.
Donc un essai relativement correct mais qui me laisse une impression mitigée, quoique plutôt un bien documenté sur un plan chronologique et qui a le mérite de sortir de l’oubli un destin particulier, un destin de « fille de.. » mais pas forcément indispensable et qui fait rester un peu sur sa faim, le personnage central y étant pour beaucoup, trop neutre pour attirer l’attention et en faire une oeuvre essentielle. L’auteure a beau se démener pour rien son héroïne attachante il n’y a rien à faire... et surtout le côté psychologique est abordé de façon trop superficielle.
Après la question est de savoir si cela méritait vraiment une telle biographie.
5,5/10