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Cette nouvelle met en scène un adolescent, Aziz Yilmaz, 17 ans, qui a quitté son pays avec sa famille pour rejoindre la France, où il entamera une nouvelle vie. Cette œuvre a de très bons points, mais à certains niveaux, ça me semble survolé. J'y reviendrai.


En résumé, Aziz a du quitter promptement Alep, capitale de Syrie, avec ses parents et sa petite sœur Zahia, qui n'est qu'un bébé, pour des raisons qui resteront inexpliquées. Ils ont fait un long voyage difficile et maintenant qu'ils sont à Rennes, en France, où ils doivent s’adapter à une nouvelle langue, un appartement plus que modeste et dont le père , Kamel, doit troquer ses compétences de chirurgien-dentiste pour un job de trieur de boîtes. Aziz peut se faire comprendre via la langue de Shakespeare, auprès de certains personnages, dont Océane, qui est une élève de sa classe. C'est d'ailleurs cette dernière qui prend la décision de travailler avec lui et de lui faire pratiquer son français. Un jour, elle le surprend dans sa chambre en train de danser. Elle ignore que la danse est un sujet tabou pour la famille et que déjà, en Syrie, Aziz s'est vu refuser le droit de danser par son père. Alors, quand elle prend le pari de lui faire rencontrer Laurence, sa tante qui est danseuse, elle se retrouve rejetée par Aziz. Pourtant, avec son morne quotidien et les méchancetés dont il est victime à son école, Aziz finit par accepter de faire des cours de danse avec la dame. Une décision qui changera sa vie.


Donc, l'histoire d'Aziz est ce que j'appelle gentiment "une histoire à la Cendrillon". On part d'une situation pas facile pour arriver au sommet somme toute facilement et avec une certaine grandiosité. Le genre d'histoire de drame qui fait tremplin à un statut de "star" que raffolent les américains ( on le remarque notamment à leurs émission telle que "American Idole" ou America Got Talent"). C'est un peu le sentiment que ça m'a fait. Au delà de cette histoire touchante d'un jeune immigrant au parcours semé d'embuches qui devient au terme d'un seul concours LA révélation du monde de la danse, c'est un peu tiré par les cheveux. Surtout quand on connait l'univers de la danse, qui est impitoyable, où il y a beaucoup d'appelés et très peu d'élus.


Surtout quand on constate qu'Aziz, tout talentueux soit-il, n'a pratiquement aucune formation, ni théorique, ni pratique, plutôt vaguement autodidacte. On a par ailleurs pas le moindre détail sur ses entrainements, sur les contraintes physiques de la danse, sur son état d'esprit en général. On nous indique qu'il est "dans son monde" quand il danse ( dans sa tête), mais même les meilleurs danseurs doivent aussi faire focus sur leur environnement, ce qui inclut de se centrer sur l'extérieur ( répétions, écoute, observation, musculation, etc). Je comprend donc que l'autrice et ses partenaires ne connaissent pas l'univers de la danse au-delà de ce que le citoyen moyen connait. C'est souvent le cas, malheureusement, dans les romans sur la danse, ce qui nous donne peu de romans crédibles sur le sujet, au final. Bref, cela va sembler très critique de ma part, mais cet aspect de l'histoire est incomplet et manque de réalisme.


Dans un autre ordre d'idée, on rate ici une chance de parler de ce qui fait de roman un objet intéressant: l'immigration. On survole en quelques phrases le périple d'Aziz et ses proches, ce qui est à mon sens fort dommage. Ce roman jeunesse avait l’opportunité de faire voir aux jeunes lecteurs l'envers du décor des migrants syriens qui quittent leur pays en guerre depuis prêt d'une décennie maintenant. On aurait pu tabler davantage sur les embuches, sur les enjeux et sur le trauma que cette marche périlleuse a pu laisser. De même, on aurait pu tabler sur les autres enjeux d'inclusion beaucoup plus que de petits exemples comme le marché avec Anissa, qui a eu du mal à acheter des légumes. La France et la Syrie étant assez différentes, les exemples de contrastes sont nombreux, mais on n'en traite guère. On sent par conséquent que l'autrice connait en réalité peu sur le sujet. Je suis à peu prêt sur qu'eut été écrit par une syrienne, on aurait eu des exemples beaucoup plus nombreux et concrets. On ne parle que d'Aziz ou presque, j'aurais peut-être apprécié plus de lumière sur les parents et sur leur ressenti, mais c'est là le choix de l'autrice.


Finalement, je n'ai pas bien comprit pourquoi Océane s'est retrouvée dans le camp adverse, parce qu'on a pas d'explications à ce sujet.


Bon, disons qu'en soit le roman n'est pas mauvais, mais incomplet. Il reste que c'est intéressant de voir un personnage du Moyen-Orient, particulièrement un danseur! Les personnages masculins qui dansent ( autre chose que du Hip-Hop, on s'entend) sont rares. Aussi, puisque le roman est destiné aux 10-12 ans environ, on peut dire que c'est une histoire facile d'accès, qui ouvre une porte aux sujets telle que la danse chez les garçons, l'immigration, la tolérance et la relation père-fils. Donc, en ce sens, c'est un bon petit ouvrage.


La plume est efficace, peu portée sur les descriptifs physiques, mais au moins assez sur l'état psychologique des personnages. Écrit au "il", nous suivons néanmoins Aziz presque toujours, hormis la première journée de travail de Kamel avec ses boîtes, ainsi qu'Anissa au marché avec ses légumes.


Je pense que l'autrice a vu grand: immigration, place du danseur, intimidation, concours de danse, père jugeant, etc. Peut-être y avait-il simplement trop de sujets pour une si petite nouvelle, d'où mon impression de survole. Clairement aurions-nous pu ajouter de la viande autours de l'os sur plusieurs aspect de l'histoire, il y aurait eu matière à la faire. Et ç'aurait été doublement intéressant. En outre, on aurait pu rester réaliste dans l'aspect temporel: l'adaptation et l’acquisition de compétence en danse requiert l'un comme l'autre beaucoup de temps.


En somme, est-ce que j'en parlerais en tant que libraire? Oui, sans doute, parce que ses sujets sont pertinents et son écriture bien tournée. On a trop peu de danseurs et trop peu de garçons africains dans la littérature jeunesse. Cependant, il y aurait eu place à plus de réalisme et d'accent sur les thèmes de la danse et du parcours migratoire de la famille. C'était un peu trop survolé. En même temps, sa petite taille pourrait plaire aux moins gros lecteurs et tout comptes faits, l'histoire demeure une pépite d'espoir. Un peu grandiloquente à mon goût - trop "rêve américain"- mais porteuse d'espoir.


Pour un lectorat du troisième cycle primaire (10-12 ans).

Shaynning

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