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Barbara Creed, à l'aide de la théorie de l'abjection de Kristeva, argumente en faveur de l'image, refoulée par les théories psychanalytiques, de la femme castratrice. En s'appuyant sur l'analyse de films d'horreur, vus comme des parfaits représentants de l'imaginaire collectif, elle démontre l'importance du féminin monstrueux à l'opposé de la femme castrée voire même de la femme dite phallique, dans nos sociétés occidentales patriarcales.

Qu'elle soit vampire, possédée, sorcière, utérus ambulant, mère archaïque toute-puissante, la femme-monstre rappelle le mythe du vagina dentata, le vagin à dents tranchantes. Creed va jusqu'à reprendre le cas du petit Hans et en fait une relecture qui semble alors très pertinente : la bouche du cheval blanc, objet phobique du garçon, représente le vagin mystérieux de sa mère. Pour elle, la peur masculine à l'égard de la femme ne vient pas de son absence de pénis, de la femme dite castrée mais s'origine dans ce que l'homme imagine être à l'intérieur de ce trou béant, orifice saignant qui plus est. Creed déplore l'utilisation du terme "femme phallique" quand des auteurs parlent des femmes héroïnes, the Final Girl des slashers : la femme phallique est masculine, elle prend le rôle de l'homme pour survivre alors que la femme castratrice n'a pas besoin de se targuer d'un objet phallique pour être source d'horreur.

Critique bien argumentée de la vision psychanalytique "misogyne" où la femme est passive, castrée et où l'homme incarne la loi symbolique, on se rend vite compte à quel point les sciences humaines sont malléables selon le but de la recherche (que ce soit, pour Freud, de trouver des éléments qui concordent avec son complexe d'Oedipe et sa théorie de la castration, que ce soit Creed ici, qui trouve les preuves de son idée du monstre-féminin).

Néanmoins, tous ces débats d'idéologie sont fort intéressants. Je ne pense pas qu'on puisse nier la transparence des oeuvres d'art et autres moyens de narration quant à leur représentations inconscientes. Tout se nourrit de l'histoire personnelle du créateur, oui, et de l'Histoire avec une grosse majuscule. Il est un déterminisme culturel qui permet d'appréhender, plus ou moins pertinemment, plus ou moins grossièrement, les visions inconscientes des humains sur leur propre sort, leurs désirs et fantasmes refoulés par la société.

Ecrit il y a vingt ans, je me demande ce qu'une ré-édition de The Monstrous-Feminine avec un apport d'analyses de films contemporains pourrait apporter à cette vision de la position féminine. Les slashers et films de vampire lesbien sont apparus dans les années 70, en même temps que (en réponse aux ?) les débuts des mouvements féministes ; les réalisateurs confrontaient leur peur de la libération sexuelle des femmes au service de films d'horreur. Auparavant, il y avait la légende des Sirènes, celle de Médusa, les harpies, etc. Aujourd'hui que la femme s'est émancipée, loin d'une image passive de la mère au foyer, que nous disent les films, que nous raconte l'art ? Plus que l'univers cinématographique qui a tendance à se répéter inlassablement sans rien créer de nouveau, où les codes de lecture sont entachés par la mode du rétro, peut-être faudrait-il s'intéresser aux nouveaux moyens d'expression (comme celui du jeu vidéo).


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slowpress
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le 12 juin 2014

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