De ce scénario qui n’a pu voir le jour, Emmanuelle Pirotte a fait un roman, son premier roman. Nous sommes en décembre 1944, l’heure du repli pour les soldats de l’armée allemande et celle de la liberté si proche pour les victimes. Ce sont ces deux éléments qui se retrouvent : d’un côté, d’un soldat nazi, impitoyable et de l’autre, une petite fille juive. Le point de départ de l’histoire est très intéressant. La petite fille, Renée, est une réfugiée. Devant la reculade des Allemands et la peur des éventuelles représailles, Renée passe de mains en mains. La famille la confie au curé qui lui-même la sauve en la donnant à deux Américains. Enfin, il pense la sauver car ce ne sont pas les Libérateurs mais deux SS déguisés. Mathias, l’un des deux usurpateurs, est troublé par Renée. Il décide non pas de la sauver mais de ne pas la tuer.
Emmanuelle Pirotte interroge le hasard de l’histoire et de la rencontre. Elle fait cohabiter tout au long de son roman, deux êtres qui doivent se détester sans savoir pourquoi. Nous nous retrouvons donc au cœur d’une relation improbable que l’auteur rend crédible et convaincante. C’est le futur de cette relation qui tient le roman : Mathias et Renée vont-ils tenir vraiment à cette relation et surtout celle-ci sera-t-elle acceptée par les autres ? On ne sent pas que ce roman est issu d’un scénario. Ici, pas de dialogue surfait mais des descriptions légères et précises loin des clichés propres aux récits de la Deuxième Guerre Mondiale. Ce qui compte dans cette histoire, c’est le décor, ce territoire qui est en transition. Quant aux personnages, Renée est le plus troublant. On ressent ces 7 ans car l’auteur n’en fait pas une héroïne surhumaine. C’est une enfant qui comprend plus qu’on ne pense et qui veut vivre malgré la guerre, malgré les camps, malgré la personnalité du sauveur qu’elle s’est choisi.