A travers le prisme de sept témoignages de personnes ayant croisé ou connu (mais finalement pas intimement dans quasiment tous les cas) Robert Oppenheimer, scientifique à l'origine de la bombe atomique, Louisa Hall tente de révéler la personnalité ou en tout cas l'état d'esprit de cet inventeur tantôt célébré tantôt persécuté.
On va donc lire sept petits récits plus ou moins longs (l'un d'eux est même réellement insignifiant dans tous les sens du terme selon moi) ; celui d'un agent des services secrets américains, celui d'une opératrice en communication sur la base de Los Alamos, celui d'un ami habitant à Paris, d'une secrétaire ayant travaillé pour lui, d'une amie rencontrée après les évènements de Los Alamos sur une île, d'un jeune étudiant l'ayant croisé sur le campus et enfin d'une journaliste l'ayant interrogé dans les années 60.
Le ton du livre est forcément mélancolique avec les évènements politiques en toile de fond qui ont entraîné les bombardements, les essais nucléaires ou encore la chasse au sorcières que fut le maccarthysme. Cela reste malgré tout un décor et passe vraiment au second plan, comme une teinte d'amertume sur des récits de drame intime.
C'est là l'obstacle majeur qui selon moi empêchera certains lecteurs d'apprécier l'œuvre de Louisa Hall ; en effet celle-ci se concentre essentiellement sur des récits de déconvenues personnelles autour de la violence de certaines relations, de la confiance en l'autre et donc de la trahison, des souvenirs partagés ou non, de la futilité aussi de ces problèmes face au reste du monde et globalement de l'incompréhension de l'autre sur notre propre vie. Comme si en montrant que l'on ne peut pas réellement comprendre l'autre, se mettre à sa place et apprécier ses motivations (qu'il ne peut d'ailleurs pas forcément lui-même appréhender), Louisa Hall admettait l'échec de son roman ; il n'est pas possible de comprendre ce qu'avait réellement en tête Oppenheimer, de savoir s'il regrettait ou non l'application de ses connaissances scientifiques à un objet de tuerie de masse. Elle fait d'ailleurs le parallèle avec un tireur ayant fait beaucoup de victimes sur un campus pour souligner cette difficulté du tueur lui-même à expliquer ses motivations.
Trinity n'est donc pas un roman permettant d'analyser l'état d'esprit de Robert Oppenheimer ni de se mettre à sa place, mais "juste" un roman chorale où plusieurs individus l'ayant côtoyé nous expose leurs drames personnels et essaient de mettre des mots sur leur souffrance intime.
Cela pourrait constituer une lecture satisfaisante au delà de la déception de ne pas trouver ce pour quoi l'on était venu ; mais là aussi l'auteure déçoit quelque peu avec une écriture tantôt juste tantôt répétitive et grossière. Les images reviennent trop souvent, les détails aussi, nous faisant pousser quelques soupirs et l'ensemble ne se tient pas en terme d'écriture. Ce n'est pas catastrophique loin de là mais parfois pénible.
Pour quelques pages réussies on doit donc se coltiner des témoignages on le disait un peu insignifiants (celui de l'étudiant) et l'on regrette quel les intermèdes décrivant les dernières minutes avant l'essai dans le désert ne soient pas plus nombreux.
Trinity est un roman qui décevra certaines attentes dans ses objectifs comme dans son écriture sans être pour autant totalement dénué d'intérêt ni de certaines qualités littéraires. Il y avait matière à proposer quelque chose de plus ambitieux et de plus intéressant ça c'est sûr !