La Géhenne.

Impossible à noter, bien sûr.

Grâce à une "chance" incroyable et à un endurcissement qui l'a amené à chercher à survivre coûte que coûte, ce Juif slovène a survécu trois ans comme Sonderkommando. Oui, ces Juifs chargés par les SS de l'entretien des chambres à gaz, de l'évacuation des cadavres, de leur crémation, du tri de leurs effets personnels.

Je mets ce livre sur la deuxième marche du podium des livres les plus éprouvants que j'ai eu à lire. Il répondra à TOUTES les questions que vous pouvez vous poser sur le déroulement concret des opérations génocidaires à Auschwitz. Il a notamment l'énorme mérite d'en montrer le caractère évolutif : courant 1942, la première chambre à gaz à Auschwitz 1, où il faut déshabiller les cadavres. L'arrivée des premiers "crématoires" industriels, où tout est mis en place pour faire croire à une simple opération de désinfection (on gagne du temps, les gens se déshabillent eux-mêmes ; une fausse ambulance de la Croix Rouge est là pour les rassurer) ; l'arrivée du SS Moll et l'extermination en quelques mois de 400 000 Juifs hongrois, au moment où tous les dispositifs de mise à mort tournent à plein ; quelques épisodes marquants comme la liquidation des déportés de Theresenstadt ou des Tziganes, (qui, pour être restés plusieurs mois au camp Birkenau B, ne pouvaient croire à la fiction de la désinfection) ou la révolte de l'été 1944 (quand 300 Sonderkommandos qui savent qu'ils vont être liquidés incendient un des "crématoires") ; les marches de la mort jusqu'à Mauthausen puis Melk.

Il m'a fallu attendre d'être allé visiter Auschwitz et Birkenau pour avoir le courage d'affronter ce genre de lecture. Je conseillerais de faire d'abord le voyage, car ainsi vous aurez la topographie en tête et cela donne à l'esprit quelque chose à quoi se raccrocher.

Je ne peux ici faire l'inventaire de tout ce que ce livre a de profondément choquant, de la valeur qu'a ce témoignage. La précision des détails avec laquelle Müller se souvient de chaque scène est en soi un indice, même si la précision dont il fait preuve dans la chronologie m'incite à croire qu'il a fait des recherches avant de se livrer, ce qui peut avoir parasité quelque peu des souvenirs aussi traumatiques (que cela ne choque pas, c'est l'historien qui parle ici, sans rien chercher à minorer).

Le livre commence par des scènes cauchemardesques mais n'ira qu'en progression dans l'horreur, les pires passages étant dans le chapitre "La Géhenne" concernant les bûchers massifs mis en place par Moll pendant l'année 1944.

Voilà, encore un livre qui ôte à l'idée de notation propre à ce site toute pertinence. Je ne dirai pas qu'il FAUT l'avoir lu, car c'est une démarche à laquelle il convient d'être préparé. Mais il est bon que ce que porte ce livre soit transmis.