Chiens dans un jeu de quilles...

Mon quatrième bouquin de Iain Levinson, que j'avais découvert avec l'excellent "Tribulations d'un précaire". Ce n'est pas le meilleur des quatre, mais on retrouve avec plaisir cette ambiance mi sociologique mi-polar qui caractérise cet auteur. Trois potes désargentés, et quelque peu irresponsables vont soudain se mettre à considérer le crime comme une possible source de revenus. Ils n'ont pourtant pas le profil attendu, là non plus...

Cette comédie douce amère explore avec une grande justesse ce qui se passe dans la tête de slackers américains, ces hommes jeunes qui semblent refuser de grandir, vivotent de petits boulots et s'adonnent à toutes sortes d'addictions peu productives (à leur décharge la société américaine les a aussi poussés aux marges...). L'un sort de taule pour avoir fait pousser de la marijuana, un autre est accroc aux pilules anti-douleurs, le troisième est un cynique qui n'arrive guère à s'entendre avec ses collègues... Levison nous fait non seulement son portrait habituel d'une Amérique précarisée, qui vit dans l'angoisse sourde de la misère, toujours à un paycheck de la rue, mais il ajoute ici un portrait très vraisemblable d'une certaine génération de gens intelligents mais à la motivation éparpillée, infantile. Il y a chez eux cette dérive qui peu à peu les rapproche du gouffre, et en même temps cette étincelle qui les tient sur la route. Notez que si vous êtes lectrice, je vous préviens que ce bouquin fait un peu "truc de mec" je crois...

Levinson est un excellent écrivain, on sourit souvent à ses descriptions , à ses dialogues plus vrais que nature, à ses portraits du management, aux situations cocasses qu'il nous concocte ici. "How to rob an armored car" nous emmène gaiement (et lentement, nos héros ne sont pas des flèches) vers le désastre annoncé (ou pas ;-) ) tout en nous faisant réfléchir sur l'état d'une société qui a remplacé nos rêves de gosses par notre consommation d'adultes...

Levinson est toujours aussi pessimiste, aussi grinçant, mais ce livre est très plaisant à lire. Il reste toutefois moins original que ce que j'ai lu précédemment. Recommandé sans urgence.