Mir fällt zu Hitler nichts ein

Karl Kraus a créé la revue Die Fackel pour lutter contre l’effondrement de la culture européenne sous les coups de boutoir de la propagande de l’industrie de la presse. Honoré de Balzac avait, dès 1840, dénoncé l’emprise du groupe Havas sur la fabrication des nouvelles.

Quand Adolf Hitler arriva au pouvoir grâce à l’appui du chancelier Franz von Papen, Karl Kraus reste attiré par la victoire de la propagande qu’il avait dénoncée depuis des années. Il n’avait plus rien à dire sur Hitler, car il avait tout dit :

Qu'on ne demande pas ce que durant tout ce temps j'ai fait.

Je reste coi ;

Et ne dis pas pourquoi.

Il y a du silence, alors que la terre éclatait.

Aucun parole qui touchait ;

On ne parle que depuis le sommeil.

Et l'on rêve d'un soleil qui riait.

Les choses passent ;

Ensuite c’était indifférent.

La parole s'endormait lorsque ce monde s'éveillait.

Die Fackel n°888, octobre 1933 in Troisième nuit de Walpurgis traduction par Pierre Deshusses p.183.

Après des mois de silence, il écrit son dernier texte contre la catastrophe en cours, mais n’en publie qu’une partie pour ne pas mettre ses amis en danger. Le traducteur précise : "Dès 1933, Kraus parle longuement des préparatifs de la guerre de l’Allemagne nazie, de ses visées expansionnistes,, de l’antisémitisme affiché et brutal, de la structure préfasciste de la société allemande, des camps de concentration, des tortures, des exécutions sommaires perpétrés contre les femmes accusés de se “commettre” avec des Juifs, de la “détention préventive” comme incarcération arbitraire et sans jugement permettant de mettre rapidement les opposants à l’écart." (op. cit. p.9).

Personne n’a été aussi perspicace que lui sur le régime qui se mit en place le 30 janvier 1933, car il savait lire la propagande la “journaille”.

Lire :

- Honoré de BALZAC, Chronique de la presse, 25 août 1840 [BNF].

- Michael PALMER, Des petits journaux aux grandes agences - Naissance du journalisme moderne (1863-1914), 1983 réédition L’Harmattan, 2014